Santé

L’accès aux thérapies psychédéliques en Europe

Le LSD et la psilocybine – une molécule active dans les champignons hallucinogènes – sont classés par l’ONU comme des stupéfiants dangereux et sans intérêt thérapeutique depuis 1971. Pourtant, les sciences disent l’inverse. Entre tolérance et répression, les pays européens divergent sur l’accès à ces substances.

Publié le 31 Mai 2024

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Dernière mise à jour le  31 Mai 2024  à  15h17.

Illustration d'une pilule de LSD. Crédit : Yngsa/Adobe Stock
Illustration d'une pilule de LSD. Crédit : Yngsa/Adobe Stock

En 2019, d’après le rapport de la Commission globale de politique en matière de drogues, la classification actuelle des substances psychotropes ne se base pas sur des preuves scientifiques mais plutôt sur des raisons idéologiques, culturelles et politiques. L’équipe du professeur David Nutt de l’Imperial College de Londres a publié en 2010 un article scientifique qui compare la dangerosité de plusieurs substances entre elles en prenant en compte de nombreux critères. Tout en haut de ce classement se trouve l’alcool, une substance pourtant légale. Tout en bas : le LSD et les champignons hallucinogènes, totalement interdits à la consommation. Fort de ce constat, certains pays européens ont décidé de tordre leur législation pour ouvrir l’accès aux psychédéliques dans des cas bien particuliers. 

En Suisse, un usage médical pionnier 

La découverte du LSD (lysergic acid diethylamide) est attribuée à un chimiste Suisse, Albert Hofmann, en 1938. Cet historique fait de la Suisse le pays européen le plus ouvert aux psychédéliques d’un point de vue institutionnel et médical. Des centres hospitaliers proposent des psychothérapies assistées aux psychédéliques (PAP) pour un usage compassionnel, c’est-à-dire une autorisation spéciale, notamment à Genève, Zurich, Bâle et Fribourg. Ce type de thérapie s’adresse à des patients majeurs domiciliés en Suisse et souffrant de troubles anxieux, dépressifs ou encore d’addictions. Dans chaque cas, le patient doit justifier qu’aucune amélioration durable de sa condition n’a été observée après plusieurs traitements médicamenteux et de psychothérapie. Une autorisation individuelle doit être obtenue auprès de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) par l’équipe médico-soignante pour pouvoir obtenir et administrer la substance. 

Au Pays-Bas, une législation souple 

Les Pays-Bas entretiennent une politique de tolérance vis-à-vis de certaines drogues comme le cannabis. Pour ce qui est des psychédéliques, les truffes à psilocybine – la partie souterraine du champignon, aussi connue sous le nom de sclérote – sont autorisées à la possession, à la vente et à la consommation sur le territoire néerlandais, à l’inverse des champignons hallucinogène frais rendus illégaux en 2008. Bien qu’aucune thérapie psychédélique ne soit aujourd’hui possible aux Pays-Bas, le parlement européen a alloué 6,5 millions d’euros au projet PsyPal en avril 2024. Porté par l’Université de Groningen, ce projet a pour but d’évaluer si la psilocybine peut aider à soulager la détresse existentielle chez les patients souffrant de maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), de sclérose en plaques (SEP), de sclérose latérale amyotrophique (SLA) ou de maladie de Parkinson (APD).  Le cancer est exclu de cet essai clinique. 

En Allemagne, la recherche clinique avance 

L’étude clinique allemande EPIsoDE, lancée en 2021 par l’institut central pour la santé mentale de Mannheim et l’hôpital de la Charité de Berlin, vient tout juste de se terminer. Cette étude, soutenue par la MIND Foundation, avait pour but d’étudier l’efficacité et l’innocuité de la thérapie à la psilocybine chez les patients souffrant de dépression résistante au traitement. Lors de son enquête sur scène « Un dernier trip : les pychédéliques et la fin de vie », Mélissande Bry a reçu Michel Koslowski, un des psychiatres participant à cette étude en tant que thérapeute formé à l’accompagnement d’états altérés de conscience. 

En France, un retour d’intérêt 

Pionnière dans l’étude de la psilocybine dans les années 1950-1960, la France a rapidement tourné le dos aux psychédéliques et mène aujourd’hui une des politiques les plus répressives d’Europe en matière de drogue. Depuis quelques années, le travail acharné de chercheurs et chercheuses porte ses fruits. Le premier essai clinique français avec la psilocybine, piloté par la psychiatre Amandine Luquiens, a été lancé en février 2024 au service d’addictologie du CHU de Nîmes. En France, un réseau de professionnels de santé s’organise désormais pour soutenir ces recherches. 

Mélissande Bry


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