Santé

Un psychiatre tunisien du Gard expulsé, en dépit du soutien de l’hôpital

Malgré la promesse présidentielle de régulariser des soignants étrangers, les médecins se heurtent toujours à l’administration.

Publié le 25 Juin 2024

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Dernière mise à jour le  26 Juin 2024  à  17h14.

Centre de santé mentale de Millau (Gard). Google Maps
Centre de santé mentale de Millau (Gard). Google Maps

Le 31 mai, un psychiatre tunisien employé par l’hôpital de Millau, dans le Gard, a été expulsé de France après avoir reçu une Obligation de quitter le territoire français (OQTF), malgré la mobilisation de ses collègues, des syndicats et une pétition qui a recueilli plus de 3 500 signatures en quelques jours. Selon son équipe, plus de 300 patients seront affectés directement par le départ du Dr Houcine Turki, alors que le secteur de la psychiatre fait déjà face à un manque chronique de soignants.

Ce soignant tunisien est l’un de ceux que l’on appelle les Praticiens associés diplômés hors Union européenne, « les Padhues »

. Il est venu travailler en France avec le statut de « stagiaire associé », un système de coopération universitaire pour les médecins diplômés à l’extérieur de l’Union européenne. Théoriquement, le médecin est en formation. Dans les faits, à cause du manque de soignants dans les hôpitaux publics français, le statut de stagiaire associé est devenu un moyen de recrutement.

Moins payé qu’un interne

Ce médecin assure des gardes et des consultations comme les autres soignants à diplôme français. Les médecins étrangers sont payés 1 800 brut par mois, soit moins qu’un interne français de première année. Aujourd’hui, même si aucun recensement n’existe, des hôpitaux de toute la France emploient des médecins, spécialistes et généralistes, à diplôme non-européen dans leurs services, avec le statut de « stagiaire associé ».

Lorsque les autorités françaises ont souhaité réformer les différents statuts des médecins étrangers en France, elles ont supprimé un second statut qui existait, celui de « Praticien attaché associé ». Depuis le 1er janvier 2023, pour les médecins étrangers, il n’existe plus que deux possibilités pour travailler : être employé « stagiaire associé » pendant 24 mois maximum, ou passer les épreuves annuelles des examens de validation des connaissances (EVC). *

En savoir plus : « Ces médecins méditerranéens à la rescousse des hôpitaux français ».

Le docteur Turki a effectué « plusieurs périodes de stages à Marseille puis en Aveyron, au titre desquelles il a obtenu plusieurs cartes de séjour à durée temporaire », explique la préfecture du Gard dans un communiqué.

Elle ajoute également qu’elle n’a pas pu prolonger son autorisation de séjour car le soignant ne s’est pas inscrit aux EVC en 2023. Ce blocage administratif est la conséquence directe de la réforme mise en place en 2021, malgré les assurances données par le Président Emmanuel Macron en janvier dernier. Il assurait vouloir la « régularisation de nombre de médecins étrangers ». Il insistait : « Ils tiennent parfois à bout de bras nos services de soins et nous les laissons dans une précarité administrative ».

A Millau, le député Jean-François Rousset (Renaissance) assure aujourd’hui que les choses vont s’arranger pour le psychiatre tunisien : « Nous sommes dans l’attente de [son] inscription aux EVC 2024 pour lesquelles les inscriptions ont ouvert le jeudi 6 juin. Une fois son inscription validée, les services de l’État m’ont confirmé qu’ils renouvelleront son droit au séjour », a-t-il déclaré à La Dépêche du Midi.

Enclencher un dispositif d’urgence

Pour passer ces EVC, le docteur Turki se retrouvera avec des milliers de médecins étrangers pour deux heures d’épreuves dans le sud de Paris : l’une de connaissances théoriques, l’autre de connaissances pratiques. 

En 2024, il y a 4 000 postes ouverts, selon un décret paru au Journal Officiel. Mais la commission de correction des épreuves est souveraine : même si l’État a décidé d’ouvrir 20 postes dans une spécialité, la commission peut décider de ne prendre que 10 candidats.

Théoriquement, le psychiatre qui exerçait à Millau pourra bénéficier d’une autorisation de travail temporaire d’un an, et donc d’un titre de séjour, s’il s’inscrit bien à cet examen. Mais s’il échoue, le même problème se reposera au bout d’un an.

Il n’est pas le seul à être dans cette situation. « La situation administrative des médecins étrangers en France n’a jamais été aussi chaotique depuis deux ou trois ans », explique Kahina Hireche, la secrétaire générale du syndicat SOS PADHUE. « Beaucoup de PADHUE ont perdu leur poste et d’autres se trouvent en situation irrégulière depuis plusieurs mois, voire plus d’une année, tandis que certains ont reçu des OQTF. (…) Nous demandons un dispositif d’urgence pour les régulariser et leur permettre de réintégrer rapidement le système de santé », écrit le syndicat dans un courrier adressé au ministère de la Santé. En attendant d’être reçu. 

Leïla Beratto et Coline Charbonnier

Retrouvez l’enquête sur scène : « Ces médecins méditerranéens à la rescousse des hôpitaux français ».


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