Féminicides conjugaux
[Extrait] « On avait très peur de cette carabine »
Dans leur enquête « Des armes hors de contrôle », les journalistes Laurène Daycard et Fanny Marlier reviennent sur le meurtre de Cécile Piquet en 2020, qui avait pourtant alerté la gendarmerie.
En France, un tiers des victimes de féminicide conjugal sont tuées par armes à feu. Tirer avec une arme est le mode opératoire dans 30 % des 606 féminicides conjugaux, enregistrés entre 2018 et 2022, selon des données tirées de l’étude sur « les morts violentes au sein du couple », établie par une structure du ministère de l’intérieur, la Délégation aux victimes (DAV).
Dans leur enquête, les journalistes Laurène Daycard et Fanny Marlier ont compris que les armes des conjoints ou ex-conjoints ne sont pas toujours retirées après une plainte. Face au manque de données des services de l’état, elles ont créé leur propre base de données. Le résultat est glaçant. Les journalistes ont identifié 168 féminicides perpétrés par arme à feu, entre 2018 à 2022.
Cette enquête a d’abord fait la Une de la Chronique, le magazine des droits humains d’Amnesty International en décembre 2023, avant d’être poursuivie sur scène pour Mediavivant.
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Parmi les affaires sur lesquelles elles ont travaillé, l’histoire de Cécile Piquet est celle d’une femme qui n’a pas cessé d’alerter des violences que lui faisait subir son ex-mari. Jusqu’à son meurtre.

Le 17 décembre 2020, à Domont, dans le Val-d’Oise, près de Paris, Dominique G. s’est emparé d’une arme pour tuer Cécile Piquet, son ex-conjointe.
Selon le rapport de l’enquête de police, l’arme de Dominique G., un fusil à pompe Maverick Arms, lui avait été transmise par son père, qui l’avait achetée à une époque où ce type de fusil était en vente libre, c’est-à-dire avant 1996.
Les violences se répétaient. « On vivait la peur au ventre, témoigne Véronique Piquet, sa mère. Il menaçait de mort beaucoup Cécile. (…) On savait qu’il avait une carabine. On avait très peur de cette carabine et d’un coup fatal ».

Ses parents regrettent l’inaction de la gendarmerie. « La gendarmerie de Domont réduisait ses plaintes à une banale affaire de couple, de discorde conjugale comme on en voit beaucoup, donc banalisait complètement et sous-estimait la gravité des faits, ce qui explique la multiplicité des plaintes », raconte-t-elle.
Consciente du danger, Cécile Piquet avait déposé au total pas moins de 22 plaintes et mains courantes. En vain.
Une enquête de Fanny Marlier et Laurène Daycard.
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