La disparition de La Poste
Partie 1 : L’agonie du service public met sous pression les salariés
Le groupe La Poste est bénéficiaire et pourtant la branche postale est sous constante tension. Au centre de tri les employés travaillent au rythme des machines, les facteurs voient leurs tournées s’allonger tous les deux ans. Les usagers font les frais de ces constantes réorganisations.
Ils essaiment dans toutes les communes de France depuis le XIXe siècle et «dans le vécu des gens, le facteur c’est le service public universel», souligne l’historienne Claire Lemercier. L’image du facteur à la Jacques Tati a pourtant vécu. Désormais La Poste est un groupe aux multiples filiales: Ma French Bank, Mediapost, Pickup, Stuart, ViaPost, des noms aux consonances anglo-saxonnes, «qui résonnent à notre oreille comme le vocabulaire de la start-up nation», souligne la journaliste Annabelle Perrin. Dans cette Poste du XXIe siècle, le facteur semble être un anachronisme.
Environ tous les deux ans, les tournées sont modifiées. «À chaque fois, c’est un peu plus dur (…) ma tournée est non seulement plus longue alors que la quantité de courrier reste la même», témoigne sur scène le facteur Laurent Chabrier (SUD). Il se souvient encore à quelle heure il devait terminer sa précédente tournée: 13h42 exactement, «ce qui n’arrivait pas.» Pour tenir ce temps, des risques sont pris. «La plupart des accidents du travail (…) sont liés à cette volonté d’aller vite», assure t-il.
Les employés au centre de tri n’échappent pas à ces pressions supplémentaires. «On doit suivre le rythme de la machine» à des cadences toujours plus soutenues selon l’employée Stella Estaque (CGT).
À l’heure des mails, ces constantes réorganisations s’expliquent par la baisse de l’utilisation du service postal. D’après un rapport de la cour des comptes publié en 2020, 18 milliards de courriers étaient encore distribués en 2008, deux fois moins qu’en 2018. En 2021, Le groupe La Poste a pourtant réalisé un bénéfice net de 2,1 milliards d’euros. Mais dans cette Poste «start-up nation» l’objectif n’est pas de défendre cette branche symbole du service public.
Les usagers font les frais de ces transformations. Vous trouverez encore, et peut-être plus souvent, un avis de passage alors que vous étiez à votre domicile dans l’attente d’un recommandé. Le facteur poursuit sa course contre la montre.