Migrations
Des exilés désignés à tort comme « passeur »
Des migrants interceptés en mer sont accusés à tort d’être des passeurs lorsque la police ou Frontex les arrêtent. Dans cet extrait, les journalistes démontrent les limites des procédures en Europe, notamment en Espagne.
Ils tentent la traversée de la Méditerranée ou de l’Atlantique, puis sont abandonnés en pleine mer ou forcés de piloter l’embarcation. Une fois secourus ou arrivés à bon port, ces exilés sont désignés comme étant des « passeurs » et jugés pour cela. Les accusations sont basées sur des témoignages d’autres passagers, parmi lesquels se cachent parfois le véritable « passeur ».
L’avocat Daniel Arencibia vient de publier une étude sur tous les jugements concernant les « capitaines » de ces bateaux pneumatiques, criminalisés dans son pays.
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L’enquête « Passeurs malgré eux » montre les limites de ces procédures, aux peines lourdes, en Europe. « Le Tribunal de Murcia, et d’autres tribunaux en Espagne, ont établi qu’il est habituel que le capitaine se décharge de toute responsabilité en accusant un passager lambda d’être le capitaine », explique l’avocat Daniel Arencibia. C’est pourquoi les tribunaux, européens et nationaux, estiment que la déclaration d’un témoin ne suffit pas à établir la culpabilité mais qu’il faut aussi une preuve objective : une empreinte digitale, un virement bancaire, un message sur un portable… »
Or, les principes légaux ne sont pas toujours respectés lors de la saisie des téléphones portables pour analyser ces preuves. « Souvent, Frontex ou la police examinent les téléphones de façon illégale, sans autorisation judiciaire et accède à leur contenu sans le consentement éclairé du détenu, si bien que toutes les preuves obtenues ainsi sont irrecevables », témoigne Daniel Arencibia.
Au bout d’un certain temps en détention, les accusés finissent par plaider coupable pour éviter une peine de prison trop lourde même s’ils ne sont pas les véritables passeurs.
« La police et le parquet savent que les passagers des bateaux ne sont pas les criminels qui organisent le voyage, que ce ne sont pas eux qui s’enrichissent. »
Les criminels, eux, échappent parfois à la justice, en faisant ainsi passer des passagers pour les organisateurs.
Une enquête de Taina Tervonen et Fabien Perrier, en collaboration avec la Revue dessinée et le soutien de Journalismfund Europe.
Voir l’enquête en intégralité