Santé

Un accompagnement nécessaire

Des chercheurs travaillent sur les thérapies assistées à la psilocybine, dont le psychiatre Michaël Koslowski interviewé sur scène.

Publié le 31 Mai 2024

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Dernière mise à jour le  31 Mai 2024  à  15h19.

Le 17 mai, Mélissande Bry présentait sur scène son enquête « Un dernier trip : les psychédéliques et la fin de vie » (à revivre en intégralité en vidéo).

Les études sur les psychédéliques mettent le doigt sur certaines limites des sciences modernes. À la jonction entre neurosciences, psychologie, culture et spiritualité, une approche multidisciplinaire s’impose. On se dote d’outils, on essaie de comprendre, de rationaliser, mais la conscience humaine et son altération restent encore, malgré tout, un grand mystère. 

Dans l’expérience avec la psilocybine expliquée précédemment par Florence, elle a vécu des moments très agréables mais ce n’était pas un long fleuve tranquille. En effet, elle décrit beaucoup d’angoisse avec par moments la sensation d’être face à un mur infranchissable. Heureusement, elle a pu bénéficier d’un accompagnement rigoureux avec des thérapeutes pendant et après la session. « Je m’attendais à avoir une espèce de révélation, une espèce de libération, or ce n’est pas ça qui se passe », explique-t-elle.

La thérapie assistée à la psilocybine en est encore à ses débuts en Amérique du Nord. Entre 2019 et 2022, 55 patients, dont Florence, ont pu bénéficier d’une exemption de Santé Canada pour utiliser la psilocybine dans le cadre médical. À ce jour, environ 600 professionnels de santé ont suivi une formation pour exercer ce type de thérapie aux Canada et aux États-Unis. 

En France, les recherches sur les psychédéliques et la fin de vie en sont à leur balbutiements. Ici, il n’existe aucun dispositif comparable à celui dont a pu bénéficier Florence. Pour Maxime, bien que certain de l’effet bénéfique qu’a eu son trip sous LSD, il regrette de ne pas avoir pu obtenir d’aide de la part de thérapeutes formés. Il revient sur une autre période de sa maladie, une période douloureuse : « Quand je me suis senti très proche de la mort, j’aurais aimé pouvoir m’adresser à un médecin qui connaît les psychédéliques. Je n’ai pas consommé de LSD dans cette période car je n’avais pas le bon cadre. Ca aurait pu m’apporter beaucoup à ce moment-là. Je ne suis pas guéri aujourd’hui, ma maladie peut encore évoluer. J’espère que d’ici là on aura des essais cliniques sur les psychédéliques en France», dit-il.

Depuis quelques années, l’intérêt grandit doucement au sein de la communauté scientifique française. En 2020, lors de son congrès annuel à Strasbourg, la société française d’accompagnement et de soins palliatifs, la SFAP, invite l’historienne Zoé Dubus et d’autres spécialistes à présenter un panel sur les psychédéliques. Malgré les idées reçues et les réticences de premier abord, le panel reçoit un franc succès et aboutit même à une publication scientifique en 2022. Le projet Psilonco vise à lancer une étude clinique avec la psilocybine pour des patients atteints de cancers très avancés. En 2021, ce projet, porté par le médecin Benjamin Wyplosz, reçoit 20 000 euros de la part de la plateforme nationale pour la recherche sur la fin de vie. Ailleurs en Europe, certains pays ont pris une longueur d’avance.  

Interviewé sur scène, Michaël Koslowski. psychiatre et psychothérapeute au CHU de la Charité à Berlin,  travaille depuis 2019 sur les thérapies assistées à la psilocybine pour la dépression résistante au traitement en Allemagne. Entre 2022 et 2023, il fait une résidence clinique à l’Iméra, l’institut des études avancées à Marseille. À cette occasion, il propose de lancer une discussion autour des psychédéliques avec le personnel soignant de La Maison de Gardanne, un centre de soins palliatifs dans la région PACA. 

En Allemagne, il participe au projet EPIsoDE, une étude clinique sur les thérapies psychédéliques pour la dépression résistante aux traitements. « On n’a pas encore fini les analyses (…) On va présenter tout en conférence internationale à Amsterdam début juin et au Congrès de psychiatrie en novembre », commence-t-il. « J’ai suivi plusieurs patients (…) Au moins la moitié a montré une réduction importante de la dépressivité. Quelques-uns ont rechuté, mais un quart est toujours guéri un ou deux ans après. Ça, c’est étonnant », explique-t-il sur les effets de prise de psylocybine encadrée par une thérapie.

En avril, le parlement européen a alloué 6,5 millions d’euros au projet PsyPal, une large étude clinique portée par les Pays-Bas sur la psilocybine et la fin de vie. Concernant une  « renaissance » des thérapies psychédéliques en Europe, « il y a un bon travail de lobby par des organisations déjà en discussion avec les parties prenantes européennes dans la santé publique qui sont responsables de gérer la sécurité des médicaments. C’est une bonne nouvelle », estime-t-il.

Pour les témoins interrogés comme Florence, c’est une erreur de dire que la thérapie psychédélique est une aide à mourir. Pour elle, c’est une aide à vivre le temps qu’il lui reste. 

Mélissande Bry


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