Côte d'Azur

[Extrait vidéo] Transports : Des jeunes surendettés avant 18 ans

Dans les quartiers pauvres de Nice, de jeunes habitants s’endettent parfois faute de payer les transports en commun. Des montants faramineux qui les handicapent au début de leur vie professionnelle. Extrait de l’enquête « Sous le soleil, des cités ».

Publié le 27 Mai 2024

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Dernière mise à jour le  28 Mai 2024  à  8h31.

Les dettes de transports en commun peuvent dépasser les 10 000 euros pour de jeunes habitants de quartiers prioritaires de Nice. 4 mars 2024. Crédit : D. Gastaldi
Les dettes de transports en commun peuvent dépasser les 10 000 euros pour de jeunes habitants de quartiers prioritaires de Nice. 4 mars 2024. Crédit : D. Gastaldi

Pour l’événement « Sous le soleil, des cités », la journaliste Daphné Gastaldi a enquêté sur la situation des habitants dans les quartiers pauvres de la French Riviera, la face B de cette côte touristique entre Nice et Cannes. Elle a découvert un phénomène : le surendettement de jeunes incapables de payer leurs tickets de bus ou de train, ni les amendes qui s’ensuivent, à Nice notamment.

Transcription

Sortir de son quartier a un coût. Certains prennent le risque de ne pas payer, ou ne sont pas assez informés des abonnements, prennent ensuite de mauvaises habitudes.

En enquêtant, j’ai découvert un phénomène peu connu : certains jeunes de Nice, mais aussi de communes alentours, sont surendettés, avant même d’avoir 18 ans, à cause des amendes prises dans le bus, le tramway pour aller à la plage ou dans une commune voisine.

De simples amendes de transports au départ mais jamais payées, – quand les familles ne peuvent pas -, majorées et accumulées au fil des ans.

C’est le cas de Manuel, 21 ans. Il est à la recherche d’emploi. Il essaye de ne pas reproduire le schéma familial : la plonge ou le bâtiment pour les hommes. Mais aujourd’hui, il fait partie de ces jeunes très endettés, notamment à cause d’amendes impayés dans les transports en commun de Nice et de la SNCF. 

Les montants de ces fraudes peuvent être faramineux, ce que m’ont confirmé plusieurs éducateurs et un agent du trésor public. Mais le service de recouvrement des amendes n’a pas voulu me communiquer de données sur le phénomène ni accepter d’interview.

Voici le témoignage de Manuel :

 « Personnellement, j’ai jamais payé, que ce soit les trains, le TGV, tout ça… Ce qui engendre des amendes, ce qui n’est pas bon. Beaucoup d’amendes : ça parle en 5 chiffres quand même. Ça fait des années, depuis que j’ai 12 ans. J’en ai 21 maintenant. C’est un peu normal.

 – Et vous ne pouvez pas payer ?

Eh non. Quand j’ouvre un compte bancaire, j’ai des saisies. Aujourd’hui,  je vais travailler, ils me prennent de l’argent. Je vais toujours me sentir redevable quoiqu’il arrive ».

À ses côtés, se trouve Cécile Scotto, niçoise et éducatrice spécialisée de l’association Agir pour le lien social et la citoyenneté (ALC). Avec ténacité, elle fait le lien avec le trésor public et les banques pour essayer de régler ces situations, d’échelonner les paiements, de faire annuler des majorations sur des amendes anciennes.

Jusqu’à 20 000 euros de cumul d’amendes

Cécile Scotto

Dans certains dossiers, les amendes dépassent les 10 000 euros. Sans les majorations, cela pourrait être diminué de moitié parfois. Cécile Scotto explique :

« On a eu des jeunes qui avaient des amendes à 1 000 ou 1 200 euros. On est déjà monté jusqu’à 20 000 euros de cumul d’amendes.

Ça ne va pas être que sur les transports mais, quand on regarde la totalité, la moitié des amendes ou plus sont les transports, le tramway, le train ou les bus. Il y a un peu de justice au milieu mais ce n’est pas le plus gros. Le plus gros, c’est les transports. Quand ils commencent à travailler, il y a une saisie directement sur salaire, car la Banque de France est au courant.

Il y a des techniques que les jeunes connaissent bien. Ils connaissent leur jour de paie et à 00h01, ils sont au distributeur et vident le compte complètement pour être sûrs qu’il n’y a pas de saisie. Ils gardent en liquide en fait leur salaire pour pouvoir en vivre.

Être amputé sur 1300 euros quand on a un smic, dont on ne peut pas vivre déjà, ce n’est pas possible. La technique, c’est de leur demander de mettre de côté (…), histoire de pouvoir économiser suffisamment pour faire un premier versement. Parfois, on arrive à ce qu’ils payent les amendes sans les majorations mais il faut discuter beaucoup.

Les transports, c’est une histoire de riches (…)

Quand on compte ses centimes, payer ses transports en commun, c’est compliqué. Il y a une autre réalité, les jeunes ne sont pas forcément au courant de ce qui existe. Il y a eu des dispositifs qui ont aidé les plus jeunes, des transports gratuits les week-ends pour les moins de 25 ans mais je ne suis pas sûre qu’ils aient été au courant. C’est aussi notre travail d’arriver à passer les informations. (…)

Ça reste une histoire d’argent de toute manière ».

Ces problèmes cumulés et les saisies sur salaires découragent parfois ces jeunes de trouver un emploi payé au SMIC.

Interrogée sur ce phénomène, la mairie de Nice nous a simplement répondu qu’elle propose « des tarifs parmi les plus faibles pour une métropole française », avec « un abonnement à 180€ par an, pour les jeunes de moins de 26 ans ».

Daphné Gastaldi


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