Environnement
[INFO MEDIAVIANT] : Le jet privé de la CMA CGM
Dans l’enquête « Face au privilège des jets », Mediavivant révèle les vols en jet privé de Rodolphe Saadé et de la CMA CGM, le puissant armateur basé à Marseille, et leur empreinte carbone.
Pendant des mois, les journalistes Mathieu Martinière et Daphné Gastaldi ont observé les trajets en jets de personnalités du monde des affaires. Avec l’aide du collectif d’investigation Mémoire vive (à l’origine du compte Instagram L’avion de Bernard), qui utilisent des données open source , ils ont calculé l’empreinte carbone de certains trajets entre mai 2023 et avril 2024.
Il a fallu enquêter pour retrouver aussi l’identité des propriétaires des jets privés, certains sont au nom de sociétés indépendantes, de holdings, de filiales, ou à l’étranger.
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Dans leurs révélations, les journalistes ont trouvé des jets d’entreprises du sud de la France, qui vantent leurs efforts en matière de décarbonation ou de responsabilité sociale et environnementale. Comme le jet de la famille à la tête du groupe Nicollin, spécialisé dans le traitement des déchets, et qui possède le club de foot de Montpellier. Mais aussi, le jet privé de la famille Chambon, qui est dans le top 500 des fortunes françaises, et qui possède les centres commerciaux Polygone à Cagnes-sur-mer ou à Montpellier. Ou encore le jet privé de Rani Assaf, président du club de foot de Nîmes et ancien bras droit de Xavier Niel chez Free. Contactées, ces entreprises ou personnalités n’ont pas répondu aux questions de Mediavivant.
L’avion de Rodolphe
Pour Mediavivant, les journalistes ont retrouvé le jet privé utilisé par un homme d’affaires bien connu à Marseille et à l’international : Rodolphe Saadé, le patron de la CMA CGM, le 3e armateur mondial et une des plus grandes fortunes de France, qui vient de racheter BFM-TV.
Le jet privé de la CMA CGM est un Bombardier Global 7500, d’une valeur de plus de 60 millions d’euros. Il est immatriculé en Autriche, un pays qui permet l’anonymat des propriétaires de jets. Grâce à des recoupements et diverses sources, les journalistes ont pu relier cet avion au puissant armateur marseillais.
Grâce aux « spotters » aussi, ces passionnés d’avions qui s’installent aux abords des aéroports pour prendre des photos, ils ont également retrouvé des images de ce jet à des dates précises, qui correspondent à leurs données. On peut voir le jet privé aux abords des pistes de Marseille ou d’Athènes en Grèce.
Parmi ses trajets longs, l’avion de la CMA CGM a fait par exemple un vol Marseille-Pékin le 29 février dernier. Le même jour, Rodolphe Saadé rencontrait le vice-président chinois à Pékin .
Une semaine plus tôt, le 20 février, l’avion est à Riyad. Le lendemain, le ministère saoudien de l’Investissement annonce signer un accord avec le groupe français CMA CGM.
Le 16 janvier, Rodolphe Saadé rencontre le président égyptien Al-Sissi, nous apprend une lettre de la Direction général du Trésor. Le même jour, l’avion décolle du Caire pour Marseille.
Ce jet est capable de faire de longues distances et fait régulièrement des allers-retours au Liban, d’où est originaire la famille, mais se rend aussi à Riyad, Abou Dhabi ou Washington.
L’empreinte carbone
Les journalistes ont calculé ses trajets entre mai 2023 et avril 2024, soit 129 trajets, qui ont produit 2 468 tonnes d’équivalent CO2. Cela représente 274 ans d’empreinte carbone d’un.e Français.e moyen.
Cet usage du jet interroge quand on sait que la CMA CGM vante son projet de décarboner son activité de transport maritime pour réduire de 80 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2040.
Contacté, le groupe CMA-CGM n’a pas répondu en détails mais explique l’utilisation de ce jet privé ainsi :
« Cet avion est utilisé à titre professionnel par les équipes de direction du Groupe CMA CGM. Cette utilisation est requise dans la mesure ou l’aéroport de Marseille Provence Marignane propose peu de vols commerciaux, pour les destinations citées par exemple. »
Soulignons que le jet privé utilisé par l’entreprise de Rodolphe Saadé fait des vols réguliers entre Paris et Marseille, un trajet court, direct, et bien couvert par des vols commerciaux ou des TGV.
Une enquête de Daphné Gastaldi et Mathieu Martinière
Ces révélations s’inscrivent dans la série d’enquêtes Dirty Sky, menée par le collectif We Report sur l’aviation d’affaires et son impact écologique en Europe, avec le soutien de Journalism Fund Europe.
