Côte d'Azur

La face B de la French Riviera

Derrière la vitrine du tourisme de luxe, les quartiers stigmatisés de la Côte d’Azur sont invisibilisés.

Publié le 3 Juin 2024

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Dernière mise à jour le  4 Juin 2024  à  16h36.

Le 23 mai, Daphné Gastaldi présentait sur scène son enquête «Sous le soleil des cités» (à revivre en intégralité en vidéo).

Les Fleurs de Grasse, Cannes Beach, la Cité du soleil…

Immédiatement, on s’imagine une carte postale, une de ces affiches vintages de la Côte d’Azur, la dolce vita avec ses pins parasols en bord de mer. Derrière ces noms idylliques, il y a en réalité des cités ou des résidences avec des logements sociaux stigmatisés.

Des noms à l’image de l’immense paradoxe qu’est la Côte d’Azur. Sur la face A, ce qu’on en voit dans la presse à sensation, la zone ne vivrait qu’une dualité entre glamour et faits divers.

Les quartiers prioritaires de la « politique de la ville » font plus souvent la Une quand on parle de trafic de drogues, « de rixes »,  où lorsque les renforts de police arrivent. Les habitants de ces quartiers subissent cette caricature, et en sont doublement punis.

Nous vous proposons de découvrir la face B de la Côte d’Azur.

Sans angélisme car le trafic de drogues ou la délinquance sont une préoccupation majeure pour les habitants, mais restent le fait d’une partie minime de la population.

Historiquement, des travailleurs sont venus pour exercer dans le bâtiment, l’hôtellerie ou la restauration. Pour le tourisme qui fait vivre cette région balnéaire. Une main d’œuvre vitale : le département a le plus haut score d’emplois touristiques dans la région.

En ce moment, les hôtels accueillent une clientèle aisée en provenance des États Unis, de Scandinavie ou du Moyen-Orient. Une économie qui représente, tenez-vous bien,  4,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2021, selon la chambre de commerce et d’industrie.

Malgré ce succès, la misère sociale de familles est bien présente. Dans la métropole de Nice, le taux de pauvreté dépasse la moyenne nationale de plus de 4 points, selon des chiffres de l’INSEE.

Près de 70 000 personnes vivent dans des quartiers prioritaires dans les Alpes maritimes. Et le nombre de logements sociaux ne suit pas ; de nombreuses communes ne remplissent les conditions exigées par la loi. Les habitants se sentent « ghettoïsés », malgré de grands plans de rénovation.

Au final, toute une population est invisibilisée sur cette bande littorale si glamour, de 30 kilomètres seulement, entre Nice et Cannes.

« C’est politiquement incorrect de dire qu’il y a des cités à Cannes », me glissait une infirmière qui exerce dans ces quartiers, au tout début de cette enquête.

Le rêve doit être maintenu, et influence des jeunes comme celui qu’on va entendre et surnommer Manuel. Il a 21 ans et vient du quartier de l’Ariane à Nice. Dans son imaginaire, la Côte d’Azur, c’est Cannes…

« Le rêve de Cannes, c’est, j’sais pas, Cannes, les yachts, tout le monde est riche, les boutiques, les magasins de marque, de luxe. Y a Gucci, explique-t-il. Moi, je savais même pas quand j’étais jeune que je pouvais mettre un pied à Cannes ».

Avec ses mots, dans cet extrait sonore à écouter plus en longueur dans la vidéo, Manuel raconte la fracture sociale, derrière les paillettes.

Parler des cités de la Côte est sensible, il faut montrer patte blanche, d’autant plus quand on est journaliste. Les associations sont frileuses face aux médias. Surtout depuis l’attentat au camion bélier du 14 juillet 2016, en plein feu d’artifice à Nice. Le terroriste venait des quartiers Est. Les habitants y ont vu débarquer des caméras de télévision en nombre.

Le sujet clive autant qu’il est instrumentalisé politiquement, dans le combat entre  la droite locale et l’extrême droite en forte hausse dans le département à chaque nouvelle élection.

Il faut savoir qu’il y a 14 quartiers prioritaires sur La Côte d’Azur. Moins que les 41 de Marseille mais la misère sociale, la discrimination territoriale est bien présente.

Le quartier historique de l’Ariane et ses grands ensembles ont été réhabilités. La situation sociale reste préoccupante. 2 mars 2024. Crédit : D. Gastaldi

Les situations sont très différentes entre la métropole de Nice et les quartiers dans les collines ou dans l’arrière-pays, voire en zone rurale. On trouve des « grands ensembles » en périphérie, comme des quartiers enclavés ; des centres historiques dégradés comme des quartiers réhabilités.

Grasse et Vallauris, par exemple, comptent des zones très paupérisées en plein centre historique, avec des immeubles parfois insalubres et des marchands de sommeil.

Sur scène, l’historien Yvan Gastaut, maître de conférence à l’Université Nice-Côte d’Azur, explique en détails comment ces populations ont été reléguées à l’arrière-plan, « pour valoriser le tourisme qui est le coeur du label Côte d’Azur », et sont prises en éteau dans le combat politique de la droite et de l’extrême droite. Il évoque l’histoire des bidonvilles et la construction des grandes tours HLM sur le littoral, l’oubli des zones industrielles et la stigmatisation progressive de ces quartiers et des travailleurs immigrés. « La fracture existe entre les deux parties de Cannes, de Vallauris, Grasse ou Nice », explique-t-il.« C’est un territoire où chacun doit rester à sa place. Cette dimension est très particulière à la Côte d’Azur. (…)Nice et la Côte d’Azur ont été le terrain de formation des identitaires, avec un argumentaire basé sur l’identité niçoise, qui repousse l’identité jugée étrangère ».

A écouter en intégralité en vidéo.

Une enquête de Daphné Gastaldi


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