« Guet-apens »
Au-delà des faits-divers
Face au nombre de guet-apens homophobes recensés, l’enquête de Mediapart révèle le côté systémique de ce phénomène.
Combien y a-t-il de victimes de guet-apens homophobes? «Cette question ne m’a jamais quittée», raconte Sarah Brethes, qui a découvert ce phénomène en 2016, lorsqu’elle travaillait pour l’AFP en Seine-Saint-Denis.
Tout part d’une attaque homophobe à Bobigny en novembre 2016. La victime est un plombier de 36 ans, piégé via l’application de rencontres homosexuelles Smax, et attiré dans un guet-apens. Armé d’une barre de fer, de poing américain et de brique, trois agresseurs le rouent de coups avec une rare violence. En mars 2019, Kevin, 31 ans, subit également un piège, via la même application de rencontre, à Drancy. Poignardé et laissé pour mort, il survit. L’aspect systémique se profile de façon plus nette. L’histoire se répète en Ile-de-France, à Tarbes, en Corse, partout en France. La journaliste continue à suivre le sujet et produit plusieurs articles pour l’AFP. «On en parle davantage aujourd’hui», constate-t-elle. Lorsqu’elle rejoint l’équipe de Mediapart, Sarah Brethes décide d’y consacrer du temps pour en montrer le caractère systémique.
Dès le mois de mai 2022, en équipe avec David Perrotin et Mathieu Magnaudeix, elle se met à enquêter sur le sujet des «guet-apens » homophobes et sur le mode opératoire de ces attaques préméditées, orchestrée via des applications ou sur des lieux de rencontres comme des jardins publics. L’enquête prend une toute autre ampleur dès septembre avec les premiers tournages. Au final, ce sera un documentaire «Guet-apens, des crimes invisibles» réalisé avec Mathieu Magnaudeix et David Perrotin, puis une enquête sur scène. À partir de dossiers judiciaires, des dizaines de victimes ont été contactées. Quelques-uns ont répondu aux sollicitations des journalistes et ont osé témoigner dans le documentaire. La plupart à visage découvert.