1983-2023
Nommer les violences policières
Sous pression des syndicats de police, le gouvernement rejette le terme de «violences policières» systémiques.
« Ne parlez pas de répression ou de violences policières, ces mots sont inacceptables dans un État de droit. » Les paroles d’Emmanuel Macron en 2019 ont radicalement changé par rapport à ses discours de candidat à la présidentielle en 2017. Malgré la pression des syndicats de police sur le gouvernement et le ministère de l’Intérieur qui évitent le terme, les violences policières sont de plus en plus dénoncées en France.
Leur aspect systémique, dû notamment à un manque de formation et de moyens, est réfuté par le gouvernement et les forces de l’ordre. Pourtant, les dégâts disproportionnés provoqués par les techniques de maintien de l’ordre à la française sont documentés, surtout depuis les violences, filmées, lors des manifestations des Gilets jaunes en 2018-2019 ou contre la réforme des retraites en 2023.
« Quand j’entends les mots de “violences policières” personnellement, je m’étouffe ». La saillie de Gérald Darmanin avait choqué l’opinion publique, juste après la mort de Cédric Chouviat, un livreur étranglé et plaqué au sol par la police alors qu’il criait « J’étouffe », en janvier 2020. Le ministre de l’Intérieur préfère parler de « dérives » des agents ou de violences légitimes ou illégitimes.
Après l’affaire Michel Zecler en novembre 2020 ce producteur de musique, passé à tabac par trois policiers aux propos racistes, certains ministres ont abordé le sujet mais avec des éléments de langage préparés. Comme le ministre de la Justice Éric Dupont-Moretti sur LCI, le 26 novembre 2020 : « Il faut faire attention, dire que la République a un problème avec les violences policières, ce n’est pas vrai, mais chaque violence policière est un problème pour la République ».
En juin 2023, la mort filmée de Nahel, 17 ans, tué à bout portant par un policier à Nanterre lors d’un contrôle routier a relancé le débat. L’enquête est en cours du côté de l’Inspection générale de la police nationale. Le recours aux armes et le manque de formation des policiers posent une nouvelle fois la question d’une réforme en profondeur du maintien de l’ordre en France.
Daphné Gastaldi