Guerre Israël-Hamas
Itamar Avneri : «Il n’y a pas d’autre solution que la paix»
Alors qu’Israël est traumatisé par l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre, que son armée a lancé une offensive dans la bande de Gaza, Itamar Avneri porte un message de réconciliation malgré la répression.
C’est un slogan qui depuis la France paraît anodin : « Juifs et Arabes, nous surmonterons cela ensemble », et pourtant porter ce message de paix a des conséquences pour celui ou celle qui les diffuse en Israël. Mi-octobre, deux membres du mouvement pacifiste Standing Together ont été interpellés par la police et ont écopé d’amendes pour ces affiches placardées dans les rues de Jérusalem. Une scène similaire s’est de nouveau produite il y a une semaine. Cette fois-ci, la police en est restée au stade de la menace.
Itamar Avneri est membre de la direction nationale du mouvement. « Il est interdit de coller des affiches mais ce n’est jamais appliqué », explique t-il. La raison du zèle des policiers ne fait pour lui aucun doute : le message politique écrit en arabe et hébreux. Il décrit aussi les menaces incessantes sur Internet : « Des gens nous avertissent qu’ils «s’occuperont» de nous après la guerre, que nous serons bannis ou poursuivis. Et bien sûr, il y a aussi des menaces de mort. »
Cet israélien de 38 ans est convaincu que les valeurs de son mouvement appelant à la «paix et l’indépendance pour les Israéliens et les Palestiniens, la pleine égalité pour tous les citoyens» doivent continuer d’être portées en ces temps de guerre. « Nous ne nous laisserons jamais intimider, ni ne serons réduits au silence. C’est notre pays, nous faisons partie de cette société et continuerons à diffuser notre message. »
Il dit ne pas avoir peur des altercations avec les forces de l’ordre mais son organisation fait le nécessaire pour ne pas mettre ses membres en danger. Lui qui a grandi dans un kibboutz proche de Nazareth a la chance d’être soutenu par sa famille avec laquelle il partage les mêmes opinions. Ce n’est pas toujours le cas.
Refuser l’épée
Le 7 octobre est gravé dans sa mémoire. Il se rappelle de cette alarme qui l’a réveillé à 6h30, les informations qui détaillent peu à peu l’ampleur de l’attaque mortifère du Hamas. Son premier réflexe a été de contacter toutes ses connaissances vivant dans le sud du pays et de s’assurer qu’elles étaient bien saines et sauves. Lui qui est reconnaissable à sa silhouette athlétique sur les photos de communication de l’organisation, se dit encore « choqué, dévasté ». « Le 7 octobre et les quelques jours qui ont suivi sont les pires jours de ma vie et ceux de nombreux israéliens ».
Porter un message de réconciliation dans une société traumatisée, en étant soi-même bouleversé, appelle à se dépasser. « Il est difficile pour tout le monde d’imaginer une paix à l’heure actuelle. Mais c’est une terre partagée, il n’y a de solutions que la paix», dit-il.
Son engagement a débuté en 2015, lors de l’intifada des couteaux (2015-2017). Benyamin Netanyahou, déjà Premier ministre déclare alors qu’« Israël vivra toujours l’épée à la main ». Une formule insoutenable pour Itamar. « Avec un groupe d’amis juifs et arabes, nous avons entrepris une série de manifestations en faveur de la paix. Nous voulions raconter une histoire différente sur la société israélienne : une histoire de partenariat. »
Standing Together s’oppose à la politique menée par Netanyahou. « La politique consistant à tenter de détruire les capacités militaires du Hamas à intervalles de quelques années n’a fait que renforcer le Hamas. Aucune opération militaire n’a jamais produit de résultats durables », soutient l’organisation. Elle estime «qu’un accord de paix négocié est le seul moyen d’assurer la sécurité, la liberté et l’égalité des deux peuples.»
Itamar est aussi révolté du sort des Palestiniens d’Israël, représentant environ 20% de la population. Dans ce contexte de guerre, « ils sont dans certains cas arrêtés ou interrogés sans raison ». Même manifester sa compassion pour des proches habitants la bande de Gaza peut paraître suspicieux.
Son mouvement continue de diffuser des messages en faveur de la désescalade, d’animer des conférences réunissant à la fois juifs et arabes. Itamar redouble d’efforts pour faire entendre une voix pour la paix dans le tumulte assourdissant de la guerre.
Jean-Baptiste Mouttet