Trafic de drogue
Entre quatre planches : les «djobeurs» victimes du réseau
Au bas de l’échelle sociale du narcobanditisme, les nouveaux embauchés sont asservis. Endettés de force, parfois torturés ou tués, les nouveaux arrivants subissent les sévices de leurs chefs.
Marseille bat cette année un triste record, celui du nombre de personnes tuées à cause du trafic de drogue. Quarante-neuf homicides sont comptabilisés après les deux décès du 11 novembre dernier. Ces « narchomicides » comme on les appelle désormais, touchent principalement les petites mains des réseaux. Ils sont devenus les macabres « pertes et profits » de la guerre de territoire que se livrent les réseaux concurrents.
En marge de ces fusillades et du risque encouru, « les djobeurs » venus d’ailleurs sont confrontés à la violence de leur propre employeur qui ont vite compris comment tirer avantage d’une main d’œuvre vulnérable, démunie de connaissances locales ou de liens familiaux avec les cités.
Une violence graduelle qu’ils découvrent très rapidement. « Ils leur prennent leur pièce d’identité dès le premier jour de charbonnage », constate Azzize Chemmam, avocat au barreau de Marseille. « Ils sont autorisés à sortir de la cave ou de l’hôtel où ils sont logés uniquement pour bosser. Dès le début, on est sur une privation de liberté évidente.»
« Ils peuvent vriller et donner des coups »
Le principe d’une dette à rembourser est un classique du quotidien des « djobeurs », après seulement quelques jours sur place. Ils sont accusés par leur hiérarchie d’avoir perdu des produits stupéfiants ou d’avoir fait un trou dans leur caisse, d’être responsables d’une saisie de la police, des accusations qui visent à les obliger à travailler gratuitement pendant plusieurs jours.
Personne ne sait si cette manière de gérer les ressources humaines vient des têtes de réseau. « Ce serait plutôt une décision de trafiquants de moyen échelon », poursuit l’avocat. Ce sont «des mecs isolés qui partent sur un petit plan stup et essaient d’augmenter leur marge en faisant baisser le coût du travail avec ces dettes. Un vendeur qui bosse gratuitement une semaine, c’est 1 500 euros en plus pour le gérant.»
Une fois que les djobeurs sont « sous surveillance », ils sont sous la menace d’un engrenage de violences appliqué par d’autres « petites mains. » De source judiciaire, 30% des victimes étaient mineures en 2021. Les actes de violences ont augmenté de 160% entre 2020 et 2021.
« On va demander à d’autres jeunes du réseau de les gérer, des petits qui sont souvent sous l’effet de stupéfiants. C’est à ce moment qu’ils sont dangereux. Ils peuvent vriller et prendre des initiatives comme torturer, séquestrer ou donner des coups », note l’avocat. «C’est devenu une signature marseillaise. Ils sont à peine majeurs mais ils ne rigolent pas.»
Joachim Barbier