Environnement

Stéphanie Harounyan : «Nous sommes intimement liés au gabian»

Le goéland leucophée est un oiseau quelconque pour tout marseillais. Sur scène lors du Climat Libé Tour, la journaliste réhabilite cet animal «passionnant».

Publié le 14 Déc 2023

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Dernière mise à jour le  15 Déc 2023  à  10h32.

Pour la journaliste Stéphanie Harounyan, le gabien est un animal "passionnant". Crédit: JB.Mouttet
Pour la journaliste Stéphanie Harounyan, le gabien est un animal "passionnant". Crédit: JB.Mouttet

« Mon voisin le gabian », le titre de l’enquête sur scène de Stéphanie Harounyan, prête à sourire et prend le risque de ne pas évoquer grand- chose au nord d’Aix-en-Provence. Marseille accueille pourtant la plus grande population de l’espèce en Europe. Avec sa démarche fière et son regard fixe, il est aussi connu dans la seconde ville de France que la Bonne Mère ou le Vieux-Port. Un animal à première vue ordinaire donc. L’enquête sur scène de Stéphanie Harounyan, lors du Climat Libé Tour le 16 décembre, porte un autre regard sur cet oiseau et interroge nos relations avec le sauvage. La journaliste explique ce qui l’a amenée à enquêter sur le bipède à bec jaune.

Pourquoi t’être intéressée au Gabian ?

Par dépit… Comme pour n’importe quelle Marseillaise, le gabian était pour moi un oiseau très ordinaire et sur lequel il n’y avait pas grand-chose à raconter. Comme je me suis trompée… L’automne dernier, la rédaction de Libération nous avait demandé de préparer des sujets pour le Libé des animaux. Les pistes que j’envisageais sont tombées à l’eau. Mais en creusant, je me suis rendue compte que le gabian était passionnant. Qu’il soit une espèce protégée a été une première surprise. Il est aussi l’incarnation de l’impact que nous pouvons avoir sur l’environnement. Sa prolifération en ville est la conséquence de l’augmentation de la population, de notre gaspillage alimentaire. Nous sommes intimement liés au gabian.

Est-ce qu’on peut qualifier ton article de portrait, le portrait d’un gabian ?

C’est plus un plaidoyer qu’un portrait. J’ai une telle tendresse pour cet oiseau que j’avais envie de le réhabiliter. Il est considéré comme un nuisible par beaucoup d’entre nous, ou à minima comme un animal banal alors qu’il est extrêmement intelligent. Il est capable d’aller à heure fixe sur les trajets des camions bennes, ou là où les enfants prennent leurs goûters. Il s’adapte. Il a un tempérament très marseillais. Il est gouailleur, il a une grande gueule, il fait le mac.

Tu mènes une analyse de ses comportements. Est-ce que cet article a demandé un travail d’enquête ?

Oui, parce qu’on a assez peu de données sur le gabian des villes. Les scientifiques travaillent plutôt sur les colonies en milieu naturel. Il a fallu recouper, aller chercher ce qu’avaient fait les scientifiques bretons qui sont plus actifs sur le sujet. À Marseille, une étude est menée par l’équipe de Karen McCoy sur les îles du Frioul. C’est un animal qui a changé son comportement ces dernières années en s’installant dans les villes. Il est très compliqué de faire des recensements en milieu urbain. J’ai aussi un peu plus aiguisé mon oeil pour l’observer en milieu urbain.

Est-ce que ça t’a demandé beaucoup d’efforts pour adapter ta première enquête à la scène ?

J’ai beaucoup sué parce que l’exigence de Mediavivant, c’est dans son nom, est de rendre le récit vivant. Quand on a des données chiffrées, ce n’est pas simple. Il fallait aussi parvenir à exprimer à l’oral cette familiarité qu’on a avec cet animal. J’ai planché et abandonné mes sujets pendant un mois. En bonne journaliste de presse écrite que je suis, ce n’est pas des formats auxquels je suis habituée. Pour faire passer le message au public, il faut être un militant de son sujet.

Et comment s’est passée ta première répétition avec la comédienne Nancy Robert?

À partir du moment où l’article est écrit, monte le trac. Normalement, quand c’est écrit, c’est fini. Et là, en fait, ça ne fait que commencer. Donc, là, j’ai peur. Nancy a le don de rassurer. En disant le texte devant elle, je me suis rendue compte de tous les passages qui étaient encore trop écrits et qu’il fallait que je reprenne. Elle m’a appris des postures sur scène, la façon dont il fallait que je me tienne pour prendre de la puissance pour parler fort et asseoir mon propos. J’ai dû réciter des bouts de mon texte en me roulant par terre. J’étais complètement essoufflée. J’ai rigolé, ça m’a détendue. Répéter devant une personne, c’est déjà un peu impressionnant. Mais se retrouver devant un public, j’imagine qu’on perd encore 50% de ses moyens.

Tu as ton propre gabian, non ?

À qui je n’ai pas encore donné de nom. Je n’ai pas complètement perdu l’esprit. J’avais repéré des gabians qui venaient régulièrement en bas de ma rue. En observant mieux, je me suis aperçue que c’était toujours le même. Je le guette maintenant le soir en rentrant chez moi. Il fait toujours la même chose, c’est-à-dire qu’il regarde toutes les personnes qui passent dans la rue. Je me demande même s’il ne fait pas exprès d’aller au milieu quand il y a des voitures qui se présentent. Ce que j’aime le plus chez lui, c’est qu’il ne baisse jamais le regard. Tant de graines dans un oiseau. Quel mariole.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Mouttet


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