Réfugiés

Serge Kroichvili : « On aide à remettre les dossiers en haut de la pile »

La Défenseure des droits a dénoncé la violation des droits des personnes exilées à la frontière italienne dans un rapport rendu public fin avril. Derrière cette autorité indépendante, des délégués locaux tentent de gérer les urgences quotidiennes.

2 Mai 2024
Serge Kroichvili est délégué bénévole du défenseur des droits dans les Alpes-Maritimes. Crédits: SK, E de C.
Serge Kroichvili est délégué bénévole du défenseur des droits dans les Alpes-Maritimes. Crédits: SK, E de C.

« Militant des droits des enfants et des droits des étrangers », dans sa vie professionnelle comme sa vie privée, Serge Kroichvili a passé un cap au début de sa retraite. En 2022, ce petit-fils d’immigrés géorgiens est devenu délégué bénévole du Défenseur des droits dans les Alpes-Maritimes, où il s’est installé en 2020, après une carrière professionnelle passée en Bretagne et en Normandie. 

Autorité administrative indépendante, la Défenseure des droits et ses 570 délégués locaux interviennent sur plusieurs champs : la lutte contre les discriminations, le contrôle du respect de la déontologie par les forces de sécurité, la protection des lanceurs d’alerte, la défense des droits des usagers des services publics et des droits de l’enfant. Recruté pour suppléer une collègue débordée par les réclamations en matière de droits des étrangers à la préfecture de Nice, Serge Kroichvili est aujourd’hui le référent départemental en la matière. Ce seul domaine représente 44 % de l’activité des délégués dans les Alpes-Maritimes en 2023, selon l’autorité administrative. Et la moitié du mi-temps que cet ancien délégué général de l’Union nationale des missions locales, qui a gardé une activité de consultant, estime consacrer à sa fonction.

Petits questions et grands problèmes

Si les cas que Serge Kroichvili traite sont loin des sujets les plus sensibles et politiques – à l’image de la violation des droits des personnes exilées à la frontière italienne dénoncée par la Défenseure des droits dans un rapport rendu public fin avril -, ils n’en sont pas moins vitaux pour les intéressés. Selon le retraité-consultant, la première difficulté tient aux délais de traitement des demandes de renouvellement des titres de séjour. « Il y a peu, j’ai accompagné une personne dont le récépissé de demande de renouvellement avait expiré depuis deux mois avec pour conséquence la perte de ses droits France travail, de sa sécurité sociale, l’impossibilité de trouver un logement. Dans certains cas, ça peut aller jusqu’à la suspension d’un contrat de travail ou la perte d’un emploi », raconte le retraité-consultant. 

Pour autant, ce dernier ne blâme pas les services de l’État. « On a récemment eu une réunion de travail et j’ai senti les fonctionnaires de bonne volonté. Mais leurs moyens ne sont pas suffisants alors qu’on est dans un département de migration », juge Serge Kroichvili. « À titre personnel », devoir de réserve oblige, il regrette que « les services font ce qu’ils peuvent dans un contexte politique aggravé de notre société… »

80 % de résultats positifs

Signe de cette réalité, locale et nationale, les interventions de Serge Kroichvili aboutissent la plupart du temps. « On aide à remettre les dossiers en haut de la pile. 80 % de mes requêtes ont un débouché positif », assure le sexagénaire qui estime avoir traité plus de 1 000 demandes au total en deux ans. Avant d’expliciter : « On n’est pas des juristes car on fait de la médiation administrative, mais notre fonction permet de dépasser les limites des interventions associatives. On a une place institutionnelle reconnue et on est d’égal à égal avec nos interlocuteurs. »

Résultat, les demandes lui arrivent désormais directement par mail. « Le téléphone [arabe] de toutes les nationalités fonctionne très bien », s’amuse le petit-fils d’immigrés. Le sien aussi, et pas que pour des appels à l’aide : « Depuis six mois, j’enregistre les messages de remerciements. C’est un peu toujours les mêmes. Mais pour moi, le plus important, c’est quand j’aide des familles et que les enfants retrouvent leurs droits ».

Jean-François Poupelin


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