Trafic de drogue

À Marseille, ces gamins criminels et victimes

Les récents narchomicides illustrent le rajeunissement extrême des petites mains du trafic. « L’ubérisation » des modes de recrutement attire une jeunesse en rupture de ban devenue la chair à canon des gangs.

Publié le 8 Oct 2024

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Dernière mise à jour le  8 Oct 2024  à  16h35.

Des adolescents dans la cité de Campagne l’Evêque dans les quartiers Nord de Marseille. 2023. Copyright: Anthony Micallef
Des adolescents dans la cité de Campagne l’Evêque dans les quartiers Nord de Marseille. 2023. Copyright: Anthony Micallef

Un adolescent de 15 ans « brûlé vif », le 2 octobre après avoir été « lardé de 50 coups de couteaux », un chauffeur de VTC tué par un jeune de 14 ans deux jours plus tard, Marseille a vécu la semaine dernière des scènes d’ une « sauvagerie extrême », selon les termes du procureur de la République de la ville, Nicolas Bessone, alors que l’ouverture d’une information judiciaire été annoncée le 6 octobre.

L’adolescent tué le 2 octobre devait intimider un concurrent en mettant le feu à sa porte. Reconnu, il subit des sévices d’une rare violence. Dans le contexte de conflit ouvert entre DZ Mafia et le clan des Blacks, le second jeune, 14 ans, avait pour mission de le venger.

Voir aussi : « Les djobeurs, ces petites mains des réseaux »

On arrive à 17 narchomicides cette année à Marseille. Quarante-neuf personnes ont été tuées l’an passé. Des chiffres qui diminuent mais cachent un rajeunissement inquiétant des acteurs du trafic de drogue.

L’enquête sur scène de Mediavivant, « Les djobeurs, ces petites mains des réseaux », de Chloé Triomphe et Joachim Barbier revenait sur ce phénomène en 2023. Les acteurs de terrain le confirment. « On voit arriver des jeunes de plus en plus jeunes, de 12-13 ans voire moins », explique à l’AFP François Souret, directeur général adjoint de l’association Addap13, en charge de la prévention spécialisée dans les Bouches-du-Rhône.

L’adolescent qui a tué le chauffeur de VTC, Nessim Ramdane et sans aucun lien avec les trafics, connaît les foyers depuis l’âge de 9 ans. Ces parents sont détenus pour des affairés liées aux stupéfiants. Les jeunes recrutés par les gangs sont souvent en rupture de ban.

Des gamins esclaves du trafic

Ce jeune tueur à gage n’était pas de Marseille mais du Vaucluse. Les gangs cherchent une nouvelle main d’œuvre au-delà de la cité provençale. « Entre 2019 et 2020, le nombre de personnes interpellées venues d’autres départements a été multiplié par dix », racontait sur scène Chloé Triomphe. Ils viennent « des départements voisins du sud, de tout l’axe rhodanien, facilement accessible en train, mais aussi de plus loin, de Lille, de Besançon, de Bretagne ».

Dimanche, le procureur a dénoncé les réseaux sociaux. L’adolescent tué et le tueur présumé avaient tous deux étaient employés par ce biais. Sur Snapchat, Telegram ou Tik Tok sont publiées des petites annonces dans des chaînes de discussions aux noms évocateurs : « Actu djobeur » ou «  la Cité Emploi ».

Voir aussi : « Cherche djobeur pour 250/300 euros, temps plein »

Le jeune de 15 ans avait été recruté pour 2.000 euros, celui de 14 ans, 50 000. Les sommes promises, pas toujours payées, attirent. Il y a le rêve de l’argent facile, de l’ascension sociale :Le « kalachnikov dream » comme le définit le journaliste Philippe Pujol auteur de « Cramés : Les enfants du monstre ». Le rêve est aux antipodes de la réalité.

Les « petites mains », loin de leurs foyers et de leurs repères, drogués, fragiles psychologiquement sont une main d’œuvre malléable et exploitée. Ils contractent rapidement des dettes auprès de leurs supérieurs, sont surveillés, parfois séquestrés ou torturés.

Philippe Pujol, dans un entretien à Libération , rappelle que « l’urgence absolue, c’est de travailler sur la santé mentale » et « penser un redéploiement de l’aide sociale ».

C’est un homme de 23 ans seulement qui a donné les ordres menant à ces drames, depuis sa cellule dans la prison de Luynes, près d’Aix-en-Provence. Il est lui-même un second couteau. Les têtes du réseau sont, eux, encore plus loin du terrain.

Jean-Baptiste Mouttet


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