Trafic de drogue

« Cherche djobeur : 250/300 euros temps plein »

Le recrutement par les clans de la drogue passe par les réseaux sociaux. Il s’est professionnalisé.

Publié le 20 Nov 2023

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Dernière mise à jour le  20 Nov 2023  à  9h32.

Le trafic de drogue marseillais recrute dans toute la France. Crédit : Anthony Micallef
Le trafic de drogue marseillais recrute dans toute la France. Crédit : Anthony Micallef

À tout employeur, ses employés… comme dans le circuit économique légal, les réseaux de trafiquants de stupéfiant à Marseille et ailleurs, ont besoin de faire appel à de la main d’œuvre pour faire tourner les quelques 120 points de deal de la ville et impossible évidemment de faire passer des annonces de manière officielle. 

Aujourd’hui, avec l’essor des réseaux sociaux, l’essentiel du recrutement passe par ce biais. C’est là que les petites annonces y sont publiées, par Snapchat, Telegram ou Tik Tok, des réseaux sociaux dont l’usage est largement répandu chez les jeunes âgés de 15 à 25 ans, cœur de cible des recruteurs.

Sur différentes chaînes de discussion, dont « Actu djobeur », parfois avec des logos détournés de Pôle Emploi, devenu «  la Cité Emploi », on trouve de tout : « cherche gérant sérieux, motivé et ambitieux, paye 400 », ou « cherche djobeur : 250/300 euros temps plein », «  nourri logé on vien récup à la gare », « cherche un chouf + un charbonneur » ( un guetteur et un vendeur).

On y trouve aussi des quiz anonymes « quel poste préfères-tu ? », auxquels on est invité à répondre en cochant sa case préférée entre guetteur, vendeur ou sécurité, assorti des tarifs, qui oscillent entre 120 et 400 euros par jour selon les postes.

Une rapide recherche permet donc à n’importe quel jeune intéressé de trouver une offre, avant de passer en discussion privée et d’entrer en contact pour faire affaire. Les jeunes que nous avons rencontrés lors de notre enquête sont tous passés par ce mode de recrutement, qu’ils décrivent comme « facile, direct et rapide ».

« Votre droguerie recrute »

Si l’usage des réseaux sociaux semble incontestablement avoir démultiplié les canaux de diffusion des « offres d’emploi », en élargissant le terrain de recrutement à toute la France, ce n’est en réalité que l’adaptation moderne des anciens tracts version papier.

À la police judiciaire de Marseille, on se rappelle encore du premier tract sur lequel les enquêteurs étaient tombés à la cité de la Solidarité dans le 15ème arrondissement : c’était en 2019…. presque une éternité !

Sur ce flyer, on pouvait lire « votre droguerie recrute », avec le poste à pourvoir « nous recherchons vendeur en TP » et la description des missions et des aptitudes demandées, « accueil des clients et bonne vente, notamment chargé du contrôle visuel, ainsi que d’appliquer et suivre les consignes du gérant ».

Le flyer était estampillé d’un logo au nom du recruteur. Ces dernières années, les fusillades sanglantes entre dealers se sont intensifiées, fusillades dont les jeunes “djobeurs” sont souvent les premières victimes, du simple fait de leur présence aux avant-postes des points de deal, sans oublier le risque d’être interpellé et jugé, avec la politique de pilonnage menée par la préfecture de police des Bouches-du-Rhône depuis 2 ans. 

Les réseaux ont donc été dans l’obligation de renouveler leur main-d’œuvre, bien au-delà de Marseille, dans toute la France. Comme l’indiquent tous les observateurs, policiers, magistrats et avocats, cette économie illégale prend modèle sur le reste de la société, elle s’est considérablement « professionnalisée », y compris sur le mode de recrutement .

Depuis quelques années, les jeunes affluent ainsi facilement de toute la France, comme en atteste un chiffre tiré des statistiques policières et judiciaires : « entre 2019 et 2020, le nombre de djobeurs venus d’ailleurs que des Bouches-du-Rhône a été multiplié par 10, pour exploser en 2021 et 2022 ».

Chloé Triomphe


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