Transport maritime

La CMA CGM au secours de Marseille

La CMA CGM et la famille Saadé sont omniprésentes dans la deuxième ville de France. Avec la bienveillance de la municipalité divers gauche de Benoît Payan.

Publié le 25 Jan 2024

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Dernière mise à jour le  26 Jan 2024  à  12h19.

Inauguration du centre Tangram avec le PDG de la CMA CGM Rodolphe Saadé aux côtés du ministre des transports Jean-Baptiste Djebbari, du maire de Marseille Benoît Payan et de l'architecte. Marseille, 1er mars 2022. Crédit : Image de communication CMA CGM
Inauguration du centre Tangram avec le PDG de la CMA CGM Rodolphe Saadé aux côtés du ministre des transports Jean-Baptiste Djebbari, du maire de Marseille Benoît Payan et de l'architecte. Marseille, 1er mars 2022. Crédit : Image de communication CMA CGM

C’est la fausse note dans la belle harmonie entre la ville de Marseille et le troisième armateur mondial. En fin d’année, la majorité de Benoît Payan (DVG) a dû renoncer à une subvention de 65 000 euros de la fondation CMA CGM pour le financement de festivités de Noël aux enfants des centres aérés de la ville. « Raisons logistiques et de délais », avait avancé la municipalité fin décembre auprès de nos confrères de Marsactu pour expliquer le rétropédalage.

Premier employeur de la ville avec les 3 000 salariés comme nous l’avons raconté dans notre enquête sur sa « Tour infernale » (plus de 5 000 avec ses sous-traitants), propriétaire du quotidien local La Provence, principal sponsor de l’Olympique de Marseille, le troisième armateur mondial est omniprésent à Marseille. Il y a aussi installé Tangram, son pôle de formation et de recherche autour du transport maritime, Ze Box, un incubateur d’entreprises, et Le Phare, un incubateur social, programme phare de la fondation de la multinationale. Dirigée par Tanya Saadé Zeenny, la sœur du PDG de la CMA CGM, cette dernière soutient des projets et des associations locales dans les domaines de l’éducation et du social.

Les cadeaux de Jean-Claude Gaudin

Si du temps du LR Jean-Claude Gaudin, c’est la municipalité qui filait des coups de pouces à la CMA CGM – révision du PLU pour la construction de son siège, exonération de taxes sur l’affichage extérieur par exemple -, c’est désormais la multinationale qui vient au secours de la deuxième ville de France. Elle a ainsi financé la sécurisation et la diffusion dans l’espace public de la déambulation du Pape François dans les rues de Marseille en septembre. Sa fondation a également payé l’été dernier une piscine éphémère dans le quartier très populaire de Saint-Mauront (3e arrondissement). Une expérience qui pourrait être étendue cette année.

Elle a également participé au cofinancement de la construction d’un City stade dans le 2e arrondissement, avec l’État, la ville de Marseille et l’OM. La fondation a annoncé quatre autres rénovations de City stades dans les quartiers. La municipalité Payan a aussi profité de la bonne connaissance des arcanes bruxelloises de Patrice Bergamini pour être retenue dans l’appel à projet européen « 100 villes neutres » en carbone d’ici 2030. Ancien diplomate français et ex-ambassadeur de l’Union européenne en Tunisie, il est depuis 2020 vice-président en charge des affaires publiques et des contrats gouvernementaux à la CMA CGM.

Cette omniprésence de la CMA CGM questionne certains élus. Même si, à l’image de l’écologiste Sébastien Barles, ils n’hésitent pas à envoyer des associations vers l’armateur pour l’accompagnement de leurs projets. « On ne peut que saluer la réussite industrielle de la famille Saadé et son engagement pour Marseille, à laquelle elle est indéniablement attachée, mais comme avec la fondation de l’OM on tend vers une philantropisation à l’américaine dans une ville qui a peu de moyens », remarque l’adjoint à la transition énergétique de Benoît Payan. Et d’insister : « Il y a une forme de dépossession de l’action publique, de substitution à la puissance publique. »

La bienveillance de la majorité Payan

Lors de l’inauguration du City stade de la cathédrale de La Major, la communication de la fondation CMA CGM insistait d’ailleurs sur son rôle pour combler le manque d’infrastructures sportives à Marseille. Sébastien Barles y est lui aussi confronté dans son activité d’élu. Le fond de dotation climatique lancé par la ville pour impliquer les entreprises dans sa transition énergétique, et auquel la compagnie maritime doit participer, est financé à 80 % par le privé. « La direction du fond est partagée avec les donateurs ce qui n’est pas sans risques sur le choix des projets soutenus », reconnaît l’élu Europe Ecologie – Les Verts.

Mais dans la majorité du maire de Marseille, tous n’ont pas cette pudeur. S’il n’a pas pris le temps de répondre à nos sollicitations, Joël Canicave, adjoint aux finances, expliquait en décembre à nos confrères de Marsactu : « Avec la fondation CMA-CGM, on a pas mal de partenariats […] Ça ne pose aucun problème , au contraire, on est très demandeurs de ça. »

A une condition quand même, selon Sébastien Barles : « Chez les élus, on essaie de s’interdire de parler des superprofits, car les Saadé sont trop présents à Marseille. »

Jean-François Poupelin


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