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Parcours d’exilés : première interview des lycéens
Après deux mois de travail, la terminale 4 du lycée Saint-Charles entre dans le dur de son projet avec Mediavivant : la fabrication de son enquête, avant de la jouer sur scène.
Ce lundi 11 décembre, deux mois après le début de notre projet d’éducation populaire à l’information au lycée Saint-Charles de Marseille (1er arrondissement), Alycia et Achille lancent la première interview pour leur enquête sur scène. Les deux lycéens en Terminale 4 sont face à Karamba Camara, un Guinéen de 26 ans arrivé en France en 2017 et ancien élève de l’établissement.
Les deux apprentis journalistes déroulent le questionnaire préparé avec leur groupe, chapeauté par Eva, une des quatre rédactrices adjointes de la classe. Ils enregistrent, notent, écoutent. Parcours migratoire, solidarité, moyens de survie puis installation en France, les deux lycéens laissent aussi Karamba Camara dérouler son témoignage. Leurs camarades lancent, eux, des question des quatre coins de la salle et il faut finalement les rappeler gentiment à l’ordre. « J’ai eu plusieurs fois peur de mourir, pendant la traversée mais aussi dans le désert, raconte le jeune Guinéen, qui est passé par le Niger et la Libye. À certains moments, j’avais envie de retourner chez moi. Ce qui me tenait, c’est que j’avais déjà fait beaucoup de chemin. »
« C’est compliqué de couper la parole à une personne, surtout sur des sujets aussi sensibles. Mais on voulait aussi permettre à Karamba Camara de raconter son histoire », explique Alycia après l’interview. « Pas très à l’aise à l’oral », la jeune femme est finalement satisfaite « d’avoir été obligée » à parler en public. Pour la classe, l’enjeu est aussi de se préparer au « grand oral » du bac.
Business de l’exil
Avant d’en arriver aux interviews et à la rédaction de son enquête, la classe a commencé par la penser. D’abord en abordant la fabrication de l’information, puis en délimitant leur sujet, en définissant son angle. Embarqués dans le projet d’une enquête sur scène avec Mediavivant par Stéphane Rio, leur professeur d’histoire-géographie et soutien de Karamba Camara pendant ses démarches administratives, les élèves devaient plancher sur les « océans et mers, acteurs de la mondialisation ».
Séparés en quatre groupes de journalistes, secrétaires de rédactions et photographes, avec à leur tête Eva, Anouk, Dorian ou Jérémy, les 35 élèves ont travaillé sur plusieurs pistes, comme le transport maritime. Chaque équipe a dû présenter un sujet et le défendre, comme dans une vraie conférence de rédaction. Quasiment à l’unanimité, la classe a penché pour une thématique sur les personnes réfugiées. Après de nouveaux échanges et un nouveau vote, elle a choisi de s’intéresser au business de l’exil. Un business qui va de l’embauche de sans-papiers, en passant par l’accueil des demandeurs d’asile, ou aux contrôles aux frontières de l’Union Européenne qui bénéficient aux entreprises de l’armement et de la surveillance.
Après avoir obtenu le statut de réfugié en février 2021, trois ans et demi après son arrivée en France, Karamba Camara est aujourd’hui père d’une petite fille et électricien en CDI. Pendant son parcours migratoire et administratif, il a été plusieurs fois exploité. D’abord en Libye, pour payer la traversée de la Méditerranée, puis en France pour survivre. Il a notamment travaillé au noir dans le bâtiment. « J’ai trouvé du travail via un copain, qui a parlé de moi à son patron. Comme je ne connaissais pas le métier, je faisais les travaux les plus difficiles. Mais j’étais payé moins que les autres, 60 euros par jours contre 100 euros », raconte le jeune Guinéen.
« Karamba a donné beaucoup de détails alors qu’il est toujours marqué par son parcours. C’était fort en émotion et hyper passionnant », apprécie de son côté Achille. Lui est déjà prêt pour la prochaine interview.
Jean-François Poupelin