Guerre en Ukraine
Aliona, réfugiée à durée indéterminée
Dès le début de la guerre en Ukraine, Aliona a dû quitter sa ville et fuir à l’étranger avec son fils. Elle fait partie des familles hébergées à bord d’un ferry à Marseille.
«J’ai été réveillée par les murs et le sol qui tremblaient : c’étaient les premiers bombardements sur l’aéroport de Mikolayiv, ma ville». Ce 24 février, comme pour beaucoup d’Ukrainiens, c’est «comme la fin d’une vie» raconte Aliona, 40 ans, dans un français hésitant. La Russie vient à peine d’envahir l’Ukraine, qu’en ce matin froid d’hiver, son mari, journaliste économique dans la vie civile, se présente au régiment le plus proche pour partir au combat. «Lui, ça fait longtemps qu’il avait prévu la guerre, depuis la crise du Donbass huit ans plus tôt, il se préparait, un peu chaque jour, en mettant des choses de côté», explique la frêle femme aux longs cheveux noirs.
Mikolayiv, cité portuaire stratégique du Sud de l’Ukraine, est trop exposée, bombardée chaque jour pendant des mois. Plus de la moitié de ses habitants ont fui. «Dès le deuxième jour, mon mari m’a fait partir avec mon fils, Sacha, pour qu’on se mette à l’abri», se remémore Aliona. Ils se réfugient dans l’urgence au centre du pays, «chez une famille qu’on ne connaissait pas mais qui nous a hébergés une semaine, sans rien demander», s’étonne-t-elle encore. Puis c’est Lviv, à la frontière polonaise. De là, elle reçoit l’appel d’une amie partie vivre à Marseille vingt ans plus tôt, qui la convainc de venir en car.
L’expatriation est brutale, mais Aliona ne s’étend pas sur le déchirement avec les siens, son époux notamment: «je ne me voyais partir de chez moi que pour quelques jours, puis quelques semaines». Ses grands yeux clairs s’embuent quand elle se rappelle sa vie d’avant, qui était la sienne il y a huit mois à peine : professeure d’anglais à l’université, elle adorait son travail, ses étudiants… «J’avais un petit jardin avec des courgettes, des fraises, énumère-t-elle, c’était une vie simple, mais on était heureux.»
Son fils, traumatisé «sourit enfin»
Arrivés à Marseille, Aliona et Sacha sont hébergés à bord d’un ferry, avec plus de 600 compatriotes : une solution temporaire peu confortable – mère et fils dorment dans une cabine sans fenêtre, mais rassurante « comme un cocon ».
Depuis juin, elle loue un appartement grâce à son amie installée en France, mais commence à manquer d’argent : quatre mois après son inscription à la Caf, elle n’a rien reçu, et désespère de parvenir à joindre son conseiller Pôle emploi. «Mon mari m’aide, mon amie ici aussi, mais là il faudrait vraiment que je trouve un travail», avoue-t-elle. Cette jeune femme diplômée, qui parle couramment français, pourrait être employée comme traductrice «mais on ne me propose que des contrats bénévoles». «Je garde espoir», assure-t-elle dans un petit rire, comme pour chasser les pensées noires. Aujourd’hui Aliona a une bonne nouvelle: son fils de 8 ans, traumatisé, qui ne pensait qu’à rentrer en Ukraine, va mieux: «il a vu une psychologue et s’est fait des copains ukrainiens dans son école et il est heureux, je le vois, il sourit enfin».
Pour lui, Aliona, qui pensait rentrer «au plus vite» au pays quand Mediavivant l’a rencontrée pour la première fois, ne «sait plus quand sera le retour». «On ne peut pas vivre en attendant, surtout pour un enfant », confesse Aliona, qui veut maintenant «vivre l’instant», à Marseille.
La rédaction