Agriculture

Christophe Blaise, agriculteur : «Je me sens complètement abandonné»

En pleine fronde du monde agricole, Christophe Blaise, producteur bio dans la Nièvre, s’inquiète de la complexification des démarches qui en décourage plus d’un.

30 Jan 2024
Christophe Blaise fait de la polyculture élevage bio dans la Nièvre. Crédit : DR. Graphisme : E.de Crécy
Christophe Blaise fait de la polyculture élevage bio dans la Nièvre. Crédit : DR. Graphisme : E.de Crécy

Depuis que son père est trop fatigué, il est seul à gérer l’exploitation de 250 hectares et son troupeau. Christophe Blaise, 48 ans, n’a pas le temps d’aller manifester et exprimer sa colère. Les agriculteurs ont lancé un mouvement de grève de grande ampleur depuis janvier. En plus de ses animaux et de ses champs à cultiver, il est maire du village de Taconnay dans la Nièvre. Depuis 13 ans, il a converti sa production en bio. Il produit de la luzerne, du blé, de l’épeautre et des céréales pour l’alimentation animale. En ce moment, il n’a pas d’avoine et il a dû laisser tomber les lentilles et le soja. Christophe s’occupe aussi de ses 70 vaches en capacité de faire des petits.

Aujourd’hui, il n’a pas de salarié. « Je m’interroge à en prendre. Sinon je vais devoir réduire ma production », explique-t-il. Les journées s’allongent de 7h30 jusqu’à 19 heures dans le meilleur des cas, jusqu’à 21 heures s’il y a des veaux, avec des réveils la nuit en cas de maladie des bêtes.  Avec ses deux activités, « c’est en continu ». Les temps de pause sont rares, en septembre et en mai par exemple « quand les bêtes sont lâchées et qu’on n’a pas fait les foins ».

Sans parler de la paperasse. « Ça fait 25 ans que j’ai l’exploitation. Les dossiers ne font que se complexifier », regrette-t-il. Christophe énumère les heures laborieuses passées sur le logiciel Telepac, à matérialiser ses parcelles en ligne, pour obtenir des aides de la Politique Agricole Commune de l’Union européenne.

Il soutient une partie des revendications de la fronde des agriculteurs mais certainement pas celles pour alléger les règles environnementales comme pour les épandages, les pesticides ou les mégabassines. Il est « dégoûté par la politique sur les démarches de qualité du bio ». Il ne comprend pas que le bio ne soit pas plus aidé, malgré « tous les services environnementaux que les agriculteurs bio apportent à la société ». Sans parler des accusations généralisées à l’encontre des éleveurs considérés comme « des pollueurs » qu’il regrette.

Le découragement des agriculteurs bio

Lui défend le système de polyculture élevage où « les animaux sont nourris sur des prairies composées d’herbes de multiples espèces qui en poussant fixent du CO2 », où le fumier est réutilisé et épandu dans ses champs. « Malheureusement, depuis maintenant des années, les fermes se spécialisent et beaucoup abandonnent l’élevage, trop dur et moins rémunérateur », explique-t-il. Son inquiétude est qu’on file « tout droit vers une agriculture industrielle ».

« Je me sens complètement abandonné, avec une activité plus contraignante que l’agriculture conventionnelle. On a vendu du grain quasiment au prix du conventionnel », soupire-t-il. Les prix sont en baisse. « D’habitude on est à 400 ou 450 euros la tonne pour le blé bio de bonne qualité. J’ai peur qu’on n’atteigne pas les 300 euros cette année ». Il craint qu’une partie des agriculteurs bio ne baissent les bras. « Certains en parlent », relève-t-il. Lui a été un temps à la Confédération paysanne et compte reprendre sa cotisation au Groupement des Agrobiologistes de la Nièvre.

En ce qui concerne les annonces de Gabriel Attal du 26 janvier, certaines attirent son attention. Notamment sur la suppression de la hausse de la fiscalité du gasoil non routier : « On doit plus travailler le sol, labourer, donc on peut en utiliser plus que dans l’agriculture conventionnelle. Si on arrive au prix du gasoil normal, on met la clé sous la porte ». Il apprécie la remise automatique de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) qui permettra aux agriculteurs de ne pas avancer les frais. Comme Christophe, certains agriculteurs ne demandaient même plus cette remise face à la complexité des démarches.

Mais ne lui parlez pas de « réarmement agricole », ce nouvel élément de langage du gouvernement. « Ils parlent de réarmement pour tout maintenant ».

Daphné Gastaldi


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