Sécheresse

Agnès Baudrillart, une «casque bleu» contre les méga-bassines

Cette ancienne enseignante est devenue une figure du mouvement contre les méga-bassines. Agnès Baudrillart raconte les pressions qu’elle subit.

24 Nov 2022
Agnès Baudrillart, une «casque bleu» contre les méga-bassines. Crédit : Mediavivant
Agnès Baudrillart, une «casque bleu» contre les méga-bassines. Crédit : Mediavivant

Ses yeux rieurs sous son casque de chantier flanqué d’un autocollant «bassines non merci», lui donnent une drôle de dégaine. Agnès Baudrillart se décrit comme la «casque bleu» des anti-bassines. «Ce casque, mon mari me l’a acheté pour me protéger lors des manifestations. J’aime bien qu’il soit bleu, ça me permet d’aller parler aux forces de l’ordre, d’entamer le dialogue», explique cette ancienne professeure des écoles de 64 ans. «Je les informe, car j’ai constaté que parmi les gendarmes, certains sont intéressés par notre combat», assure Agnès.

Un combat qu’elle a fait sien en arrivant en Charente, en 2018. Elle s’installe à Charmé, petit village de 360 habitants à une quarantaine de kilomètres au nord d’Angoulême, avec son second mari. Lui milite à l’Apappa, une association créée au début des années 2000 pour lutter contre les porcheries industrielles et les bassines agricoles, ces réserves d’eau créées par des exploitants pour irriguer leurs cultures. «J’ai découvert une très belle Charente qui était en train d’être détruite par ces méga-bassines notamment», note cette Rémoise d’origine. «De toute façon, quand on a appris le cycle de l’eau en classe de CE2, assure la maîtresse retraitée, comment on peut trouver intelligent ce système ?». Révoltée par cette «injustice totale» qui fait que «quelques agriculteurs s’approprient la ressource commune au détriment des autres, avec de l’argent public !», elle prend la présidence de l’Apappa en 2020.

Mais le constat est amer : malgré la mobilisation, les projets de méga bassines dans la région continuent de prospérer. «Avec des adhérents dont la moyenne d’âge était de 70 ans, on s’est rendu compte qu’on n’était pas assez outillés face aux enjeux», décrit-elle. La rencontre de collectifs d’autres régions, mais aussi d’associations plus professionnelles comme Attac ou la Confédération paysanne leur redonne «une dynamique beaucoup plus forte».

Vivre sous les menaces constantes

À l’été 2022, la sécheresse provoque un choc : «pour la première fois dans notre village, une fontaine a été à sec». Une mauvaise nouvelle, certes, mais qui donne enfin de la visibilité à un problème pourtant bien plus ancien, et une ampleur nationale au mouvement.

Venus grossir les rangs, «des militants parisiens», «que je remercie au passage de nous venir en aide, mais qui ne savent pas du tout ce que c’est de vivre dans le même village que les personnes qui possèdent ces bassines». Son engagement, Agnès l’a payé cher en juin 2021. Candidate aux élections départementales, elle constate au soir du second tour, sur deux routes menant à sa maison, des tags «Apappa» avec des flèches menant à son domicile. Elle raconte sa “sidération”. Quelques années plus tôt, raconte-t-elle, des agriculteurs avaient déversé du fumier chez des membres de l’association. Première adjointe de Charmé, elle est aussi «poussée à la démission». «Deux-trois agriculteurs peuvent faire leur loi sur 360 habitants», déplore-t-elle, décrivant «des relations pas faciles» avec son voisin le plus proche, propriétaire d’une méga bassine.

Foncièrement pacifiste, «d’autant que j’ai subi la violence dans ma famille», Agnès redoute, dans les semaines à venir, le début des travaux de projets de bassines contre lesquels son association a déposé des recours. «Nous avons été reçus en préfecture et nous avons bien dit que c’était une ligne rouge», met en garde la «casque bleu.»

La rédaction


L'actu se raconte aussi dans notre newsletter

Avec des récits exclusifs. Vous y retrouverez également toute l’actualité de Mediavivant : l’avancée du projet, ses événements et les nouveautés.

Rendez possible une nouvelle saison
d’enquêtes sur scène

La qualité de l’information a un coût. Nous soutenir, c’est permettre à celles et ceux qui n’ont pas les moyens financiers de s’informer, d’accéder à nos enquêtes en accès libre sur le numérique.

Vos dons sont déductibles des impôts à 66%.

Mediavivant existe aussi en podcast, 

écoutez nos enquêtes sur vos plateformes favorites :