Environnement

Roméo Bondon : La forêt comme «un lieu à défendre»

Sur quelques hectares, Roméo Bondon prend soin d’une forêt en Haute-Loire. Elle porte sa vision de la société et devient une démarche politique.

19 Mar 2024
Roméo Bondon protège la forêt sans en exclure l'homme. Crédit: Roméo Bondon / E.C
Roméo Bondon protège la forêt sans en exclure l'homme. Crédit: Roméo Bondon / E.C

Les décideurs politiques « veulent adapter la forêt à nos besoins or, nous, c’est l’inverse que l’on souhaite faire », expose Roméo Bondon. Cheveux en bataille, larges lunettes, le géographe de 26 ans gère avec son association Sous lou Boès un bois à Chaudeyrolles en Haute-Loire.

Comme certains en rêvent parfois, Roméo souhaitait s’occuper d’un espace naturel, avec comme objectif premier de le protéger, comme nous l’avons raconté lors de l’enquête sur scène « Écolos cherchent forêt à acheter ». Ce bois, composé d’hêtres, de conifères, d’épicéas, couvre seulement 3,6 hectares et pourtant Roméo y voit une « forêt pilote » qui porte ses valeurs.

Il n’est pas propriétaire. Avec l’association, ils en sont seulement « les gardiens ». Le fonds de dotation Forêts en vie a acheté le terrain en 2022 et l’a mis à disposition par un bail forestier. Ce bail engage Sous lou Boès à respecter l’environnement par des règles contraignantes comme ne pas aménager des pistes « de plus de quatre mètres de large » ou encore « laisser au moins 25% de l’espace en libre-évolution », c’est-à-dire sans intervention humaine. Ce bail court sur 99 ans. « Ce n’est pas un espace que l’on s’approprie mais dont on a l’usage », résume Roméo. Pouvoir participer à la protection de cette forêt ne lui a rien coûté  si ce n’est « la cotisation à l’association ». La forêt peut être accessible à tous. 

Préparant une thèse sur le milieu forestier alternatif dans le Massif Central, écrivant régulièrement pour la revue Ballast sur les sujets environnementaux, Roméo n’est jamais bien loin de la nature. Il s’est intéressé au milieu forestier à la suite d’une balade dans la forêt de Rohanne à Notre-Dame-des-Landes auprès de Gaëtan Dubus, cofondateur du Réseau pour les Alternatives Forestières. « C’est la première fois que je ne portais pas seulement un regard contemplatif sur la forêt mais que je l’ai vu commun lieu à défendre ».

Une vision de la forêt à partager

Alors que les trois quarts des forêts françaises sont des propriétés privées, ceux qui y travaillent sont amenés à régulièrement changer de lieux et ne pas suivre le fruit de leur travail sur le long terme. Composée, entre autres, de bûcheronnes, d’une débardeuse, d’un charpentier, l’association  souhaite « pratiquer » la forêt sur un temps long, de manière douce et « sans impératif économique ». Elle donne l’opportunité au géographe de s’extraire de la théorie. 

Fin janvier, avec les membres de l’association, il a participé à l’abattage de quelques arbres dominés par des épicéas plantés à la suite d’une tempête. Les arbres ont été coupés à la hache, un cheval aidait à tirer les troncs pris dans les branches, le bois abattu est laissé au sol pour favoriser la renaissance de la nature. Une sylviculture douce que défend Roméo.

« Si on prélève quelques arbres, on peut accélérer les changements de cette plantation (…) et donner un petit coup de pouce pour qu’il y ait une régénération et que l’on aille vers une diversification de cette parcelle », expliquait Roméo Bondon sur scène. 

Roméo n’achète bien sûr pas ses meubles à Ikea, plus gros consommateur de bois au monde et dont l’exploitation intensive en engloutit 20 millions de mètres cubes par an, comme l’a révélé un documentaire sur Arte et réalisé par Disclose. Mais il ne souhaite pas non plus se passer de ce matériau. «Nous devons complexifier notre relation à la forêt afin qu’elle ne soit pas seulement perçue comme productive et simplifiée au maximum par la monoculture.»

Quand il parle d’arbres, son débit s’accélère. Il aime raconter sa passion. Avec son association, il organise des « cafés forêts ». L’occasion d’expliquer à tous la gestion forestière, les logiques de la nature qui entoure le promeneur, et finalement de créer un attachement. Sa forêt rêvée comporte plein d’essences différentes, elle est bruyante, pleine de vie animale mais aussi humaine. À ses yeux, l’homme et la nature ne sont pas perçus comme deux ennemis irréconciliables.

Jean-Baptiste Mouttet


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