Petite enfance

Jessica Scalerandi : «Mon enfant avait la faim au ventre»

Cette mère fait partie des parents qui ont osé porter plainte contre un grand groupe de crèches privées, près de Marseille.

19 Déc 2023
Parent relais, Jessica Scalerandi a aidé les autres parents de sa crèche à aller en justice. Crédit : Mediavivant/E. de Crécy
Parent relais, Jessica Scalerandi a aidé les autres parents de sa crèche à aller en justice. Crédit : Mediavivant/E. de Crécy

Ses longs cheveux blonds ne sauraient cacher une volonté de fer lorsqu’elle pousse la porte du commissariat pour porter plainte, le 24 mars 2023. À 32 ans, Jessica Scalerandi sait tout ce que cela implique. Elle a été fonctionnaire dans la police judiciaire auparavant, avant de travailler en préfecture. Aujourd’hui, c’est en tant que mère de famille et parent-relais de la crèche Couperigne à Vitrolles qu’elle se présente. Au commissariat de Marignane, elle fait un signalement contre le plus grand groupe de crèches privées Les Petits Chaperons Rouges car elle estime que son fils a été victime de rationnement de repas à la crèche : « mon enfant avait la faim au ventre».

D’autres familles ont fait le même constat qu’elle : pendant des semaines, leurs enfants n’ont pas mangé à leur faim dans cette crèche privée. Il y a eu plusieurs étapes pour pouvoir le prouver. Assidue, Jessica a assisté à trois réunions avec la directrice puis avec la coordinatrice et même le responsable régional des Petits Chaperons Rouges pour faire toute la lumière.

Jusqu’à cet aveu du groupe : régulièrement, entre 3 et 5 repas n’étaient pas commandés, jusqu’à 8 repas les pires jours. À d’autres moments, il y avait des commandes en trop. 

Ces parents, une dizaine au départ, ont confronté un grand groupe, récupéré des preuves comme un compte-rendu d’enquête interne, ou alerté la presse. « On nous a menés en bateau.  On ne peut pas cautionner ça, explique-t-elle. On a mis à jour leur méthode ». Pour elle et son mari, c’est une maltraitance et il est temps que ces crèches soient plus contrôlées.

Un combat pour les autres

« J’ai retiré mon enfant de la crèche le 30 mars 2023. J’en ai pleuré pendant une semaine, je le séparais de ses copains et copines, confie-t-elle. On a trouvé une solution de garde familiale mais c’était pesant ». Aujourd’hui, elle mène ce combat pour les futures familles, au nom de l’intérêt des enfants et du respect de leurs besoins fondamentaux.

Grâce à ses compétences, elle a aidé les autres parents de la crèche à aller en justice. Neuf plaintes ont été déposées contre cette structure selon des chiffres du parquet d’Aix-en-Provence du mois de juin.

D’autres problèmes de sécurité et de «turnover» important des salariées ont été dénoncés dans la crèche. Sur scène pour Mediavivant, mi-décembre, Jessica a raconté comment son fils s’est retrouvé seul à plusieurs reprises dans le dortoir pendant la sieste, ou ce jour où on lui a rendu une petite fille au lieu de son petit garçon.

Il y a quelques mois, au moment de boucler cette enquête pour le livre «Le prix du berceau», les Petits Chaperons Rouges ont refusé une interview mais ont répondu à quelques questions, avec l’aide d’un groupe de communication spécialisé dans la gestion de crise. Le groupe préfère parler « d’une absence de cohérence » dans les repas entre septembre 2022 et janvier 2023 et rappelle que leur politique est 100% de repas par enfant. Son responsable régional assure qu’il s’agit d’un « manquement individuel » et que la directrice a été licenciée depuis.

Pour Jessica, la confiance est rompue avec les crèches privées à but lucratif. Son conjoint compte se reconvertir pour ne plus devoir laisser leur enfant en crèche. Cette mère a vu ses perspectives changer face aux problèmes de garde : « On en vient à se poser la question d’avoir un deuxième enfant ».

Daphné Gastaldi


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