Pollution

Michel Besnard contre le glyphosate : «Toute la population est concernée»

La commission européenne a prolongé l’autorisation d’utilisation de l’herbicide. Michel Besnard et son collectif poursuivent le combat.

29 Nov 2023
Michel Besnard est porte-parole du collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’ouest. Crédit: Mediavivant (E.de Crécy)
Michel Besnard est porte-parole du collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’ouest. Crédit: Mediavivant (E.de Crécy)

« Personne ne peut dire « je ne savais pas » !». Michel Besnard ne décolère pas depuis l’annonce de la prolongation d’utilisation pour dix ans du glyphosate, faute d’accord entre les 27 pays de l’UE, le 16 novembre. Pour lui, la dangerosité de l’herbicide et des pesticides de synthèse pour la santé et l’environnement n’est plus à démontrer. « Ce sont les lobbies et les intérêts financiers qui priment. Les études scientifiques se sont accumulées sur les effets dans le développement de leucémies ou de la maladie de Parkinson », dénonce ce septuagénaire longiligne au visage ridé.

Ce retraité installé dans le village de Betton, près de Rennes, s’est lancé dans le combat contre les pesticides il y a huit ans à la suite de l’écoute d’une émission « Interception » sur France Inter en 2015. Il apprend alors que quatre salariés d’une filiale de Triskalia (aujourd’hui Eureden), une des plus grandes coopératives de Bretagne, ont développé le syndrome de sensibilité multiple, un trouble chronique, et souffrent d’une allergie totale aux produits chimiques après avoir manipulé sans équipement spécifique des pesticides interdits. « La mutuelle sociale agricole (MSA) les avait déclarés inaptes pour leur poste, mais leur employeur leur avait fait des propositions de reclassement inacceptables, puis les avait licenciés. Avec ma femme, ça nous avait scandalisé », se souvient Michel.

Le couple organise des projections-débats sur le sujet, participe à la création du Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’ouest devenu une association en avril 2016. Le septuagénaire en est aujourd’hui un des porte-parole. « L’association demande l’interdiction des pesticides de synthèse, mais nous avons aussi découvert que la MSA ne faisait pas son travail d’information auprès des malades. Nous nous sommes donc formés pour sensibiliser les victimes et les accompagner dans leurs démarches, parfois jusque devant la justice. » Fils de « paysan », comme il dit, le septuagénaire comprend alors que les cancers qui ont tué son père sont liés à l’utilisation de produits dangereux.

Aux côtés de 500 autres adhérents, il travaille à sensibiliser le public et accompagne des victimes. Trois à quatre appellent chaque mois leur association, principalement de Bretagne et des Pays de la Loire, mais aussi désormais des quatre coins de la France. Des agriculteurs, des salariés de l’agro-alimentaire, mais aussi des paysagistes, des agents des espaces verts de collectivités locales, et de plus en plus de riverains de zones agricoles. « Ils ont les mêmes maladies, toute la population est concernée », insiste le retraité.

Victoires judiciaires mais défaites médicales

En soutien aux victimes, il les aide avec le collectif à faire reconnaître de nouvelles maladies professionnelles. Si le lien est reconnu entre le glyphosate, les pesticides de synthèse et le développement de lymphomes, de la maladie de Parkinson, des cancers de la prostate ou de la gorge, d’autres affections passent encore sous les radars. C’est le cas par exemple du glioblastome, une tumeur cérébrale, qui a tué Odette Gruau, une agricultrice du Maine-et-Loire décédée en juin 2020. Le 6 novembre 2023, le tribunal judiciaire d’Angers l’a reconnu comme maladie professionnelle.

Coïncidence, la veille de la décision européenne, à laquelle la France s’est abstenue, son collectif obtenait de la cour d’appel de Rennes la reconnaissance des fautes inexcusables d’employeurs pour les maladies professionnelles de deux anciens salariés de Triskalia. Il a fallu 15 ans de lutte. De l’autre côté de l’Atlantique, ce même mois de novembre, des juridictions américaines ont condamné l’agrochimiste allemand Bayer-Monsanto, fabriquant du célèbre herbicide Roundup à verser quelques 2 milliards de dollars à cinq utilisateurs de glyphosate touchés par un lymphome, une tumeur maligne du système lymphatique.

Même si ces bonnes nouvelles réconfortent Michel Besnard, difficile de se réjouir. Christian, un ancien paysan et adhérent actif de l’association a été terrassé par une leucémie juste après l’annonce de la commission européenne. « On devait se rejoindre sur un débat auquel il n’est jamais venu. Il est en chambre stérile et on parle désormais d’une greffe. Christian est très en colère contre les pesticides », insiste Michel Besnard. Avec l’association, ils ont décidé de s’associer aux recours contre la nouvelle autorisation du glyphosate qui vont être déposés devant la cour de justice l’Union Européenne.

Jean-François Poupelin


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