Santé

Kahina Hireche, une voix pour les médecins étrangers

Face à la précarité des médecins internationaux, Kahina Hireche se bat pour une meilleure reconnaissance de leur statut en France.

19 Juin 2024
Kahina Hireche, médecin et infirmière en France, représentante du syndicat SOS PADHUE. Juin 2024. Graphisme : Eric C.
Kahina Hireche, médecin et infirmière en France, représentante du syndicat SOS PADHUE. Juin 2024. Graphisme : Eric C.

Elle n’a pas beaucoup de temps. Entre les gardes, les astreintes, les cours et ses quatre enfants, Kahina Hireche Ziani, 42 ans, doit optimiser les minutes libres de sa journée. Diplômée de médecine en Algérie, elle fait partie aujourd’hui de ces médecins étrangers que les autorités françaises ont souhaité « régulariser », après de longues années de précarité à travailler dans les hôpitaux de l’Hexagone. 

Kahina Hireche Ziani est arrivée en France en 2012 avec son conjoint franco-algérien. Elle décide de quitter son pays après des « déceptions personnelles et professionnelles ». Elle cite la « faible rémunération des médecins », le manque « d’infrastructures et de moyens médicaux », mais aussi « les discriminations que subissent les femmes » en Algérie. « En France, j’avais de la famille et des amis. C’est un pays dont j’étais proche culturellement et linguistiquement car je parlais parfaitement kabyle et français depuis mon enfance. Mais je ne m’attendais pas à ce que le parcours soit aussi difficile que ce que j’ai rencontré par la suite ». 

Avec sa famille, elle s’installe en Normandie. « La région est un désert médical, mais je n’ai pas réussi à trouver de travail avec mon diplôme de médecin algérien », raconte-t-elle. Elle a pourtant de l’expérience en hôpital public, privé et dans l’industrie pharmaceutique. Elle reprend alors des études accélérées et obtient un diplôme d’infirmière en 2014, qui ne lui permet de décrocher un emploi que deux ans plus tard, dans un service hospitalier de psychiatrie, car son CV est atypique : «  Lors des entretiens d’embauche, on me disait “ vous êtes médecin, vous ne pouvez pas exercer comme infirmière, ce sera difficile pour vous ”! »

Être infirmière alors que ses collègues savent qu’elle a un diplôme de médecin n’est pas de tout repos. Elle raconte avoir subi « beaucoup de discriminations ». En 2018, Kahina décide alors de rejoindre le syndicat SOS PADHUE. L’acronyme de Praticiens à diplôme hors Union européenne est le mot utilisé pour désigner les médecins à diplôme étranger à l’hôpital. Elle veut « porter la voix des plus faibles ». 

Les années passent. En 2022, Kahina Hireche, qui a poursuivi des études universitaires en psychiatrie et en addictologie en France , finit par être embauchée en tant que médecin, dans l’établissement où elle est déjà infirmière, avec un statut de « Praticienne attachée associée ». Elle n’en a pas le salaire, mais elle a les mêmes responsabilités que ses collègues avec des diplômes français, comme elle témoignait lors de l’enquête sur scène «Ces médecins méditerranéens à la rescousse des hôpitaux français»

Une zone-grise administrative

Entre-temps, les autorités françaises ont mis en place la « loi Stock ». Il s’agit de régulariser les médecins étrangers qui travaillent dans les hôpitaux, comme des médecins, mais sans avoir ni le statut, ni le salaire. 

Théoriquement, chaque année, un examen national de vérification des connaissances qui est concrètement un concours très sélectif (EVC) est organisé pour régulariser ces médecins. Mais le nombre de places attribuées est limité, et insuffisant face au nombre de soignants employés au quotidien dans les hôpitaux. Kahina, qui a déposé son dossier deux ans plus tôt, est convoquée pour être auditionnée à la fin de l’année 2022. Trois mois plus tard, la commission « Stock » rend sa décision : Kahina doit encore travailler deux ans, valider un nouveau diplôme universitaire, et elle pourra être reconnue comme médecin titulaire à la fin de l’année 2024. 

En attendant, elle continue de se mobiliser pour ses confrères et ses consoeurs. Devenue secrétaire générale et porte-parole du Syndicat National SOS PADHUE, elle participe aux réunions avec le gouvernement. Sa priorité du moment : l’amélioration des salaires, qui sont toujours éloignés de ceux des médecins à diplôme français, et la régularisation administrative urgente des médecins étrangers, dont certains risquent aujourd’hui d’être expulsés.

Leïla Beratto et Coline Charbonnier


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