Me too

Marina*, plaignante dans l’affaire PPDA : «La honte n’a pas changé de camp»

Marina* est une des nombreuses femmes qui ont porté plainte contre l’ex-animateur de TF1 Patrick Poivre d’Arvor, accusé de viols et d’agressions sexuelles.

27 Oct 2022
Marina, plaignante affaire PPDA. Crédit : Mediavivant
Marina, plaignante affaire PPDA. Crédit : Mediavivant

«Une libération? Pas vraiment, ma vie à moi, elle était bien plus simple avant que je ne parle.» Marina* fait partie de la vingtaine de femmes qui ont porté plainte contre Patrick Poivre d’Arvor, ex- présentateur vedette de TF1, il y a plus d’un an. Une décision qui a bouleversé sa vie, la projetant dans l’une des affaires les plus emblématiques du mouvement #MeToo en France.

Elle est jeune débutante, journaliste à ses côtés quand «il m’a violée dans son bureau», à TF1. «À l’époque, pas un seul instant je n’ai envisagé de parler», raconte Marina, «ç’aurait été un suicide professionnel». D’autant que, à ce moment-là, PPDA c’était «le roi-soleil», grince-t-elle, «personne ne m’aurait écoutée».

Ce n’est que bien plus tard, en rencontrant une autre victime de la star, que la journaliste réalise ce qu’elle a subi: «ce n’est pas que je ne le savais pas, mais pour moi un viol c’était dans un parking, le soir, avec un mec encagoulé, pas par ton chef dans son bureau», confie-t-elle. Quelques mois plus tard, elle découvre la plainte de l’écrivaine Florence Porcel, à l’origine du «PPDA gate». «Je me suis dit: “ça y est ça sort, il y en a qui ont eu le courage de parler“». Dans la foulée, elle contacte l’enquêteur en charge du dossier, à la police: «quand j’ai composé son numéro, je me demandais encore si mon histoire allait l’intéresser… Je savais que les faits étaient prescrits». Le policier, qui la pousse à porter plainte, lui assure: «vu le nombre de femmes que j’ai entendues, il y aura une mise en examen».

«Plus de 20 plaintes, et toujours rien..

Le classement sans suite de l’enquête en juin 2021 (deux autres sont encore en cours) «est une gifle». «On en est à 90 témoignages, plus de 20 plaintes, et toujours rien…» Marina raconte le début d’une période «très compliquée»: «déjà c’est douloureux à assumer, la position de victime de viol ou d’agression sexuelle, et en plus l’agresseur poursuit 16 d’entre nous pour “dénonciation calomnieuse”, tandis que lui est dans l’impunité».
PPDA a toujours nié les faits qui lui sont reprochés et ses accusatrices sont de «fausses victimes» a répété dans les médias son avocat Philippe Naepels. 

Marina raconte, parmi les dizaines d’autres victimes présumées devenues «des amies», «des cas de rupture familiale» liés à ces révélations. «#MeToo ce n’est pas la libération de la parole non, c’est bien plus compliqué que ça», décrypte Marina, pour qui «la honte n’a pas changé de camp tant que ça, malheureusement». Au travail, Marina est exposée, et devient «quelque chose de gênant et d’inconfortable». Même si elle ne témoigne pas publiquement, ses employeurs apprennent qu’elle fait partie des plaignantes. Si elle obtient le soutien d’une majorité de collègues, elle réalise aussi que «malgré #MeToo, malgré l’évolution de notre société, beaucoup n’ont encore rien compris à tout ça, et estiment encore que tant qu’il n’est pas condamné, il n’a rien fait».

À cause de pressions subies selon elle de la part de l’entourage de «cette personne», comme elle évoque maintenant PPDA, Marina a dû parler à sa famille, «alors que je taisais ce qui m’est arrivé pour les protéger». Aujourd’hui, si c’était à refaire «parfois je me dis que je ne le referai pas, de parler». «Mais au fond, assure-t-elle, je me sens alignée, cohérente, je fais quelque chose de juste pour le collectif, pour la société». Si elle doit tirer une «jolie chose» de cette affaire, «c’est la rencontre avec les autres plaignantes, un lien d’amitié, de sororité».

La rédaction


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