#MeToo

Quentin Defalt : « Je me suis senti une petite pute »

Le metteur en scène a été victime de harcèlement sexuel. Les faits remontent à 20 ans mais sont toujours pesants. Malgré le mouvement #MeToo, les langues ont encore du mal à se délier dans le monde du spectacle.

15 Mai 2024
Le metteur en scène Quentin raconte les harcèlements vécus par les homosexuels. Crédits: Q.Defalt/E.C (Mediavivant)
Le metteur en scène Quentin raconte les harcèlements vécus par les homosexuels. Crédits: Q.Defalt/E.C (Mediavivant)

C’est « une image un peu sale » qui revient parfois en mémoire du metteur en scène Quentin Defalt. La tribune de soutien à Gérard Depardieu publiée le 25 décembre dernier déclenche une nouvelle bouffée de souvenirs. « Certains de la liste [des auteurs, NDLR] sentent sûrement que ça va bientôt leur tomber aussi sur la gueule » écrit-il sur Facebook. Un signataire, un célèbre acteur, se sent visé et lui écrit immédiatement : «  J’étais amoureux de toi mais je ne t’ai jamais agressé ! C’était il y a longtemps mais au contraire je fus plutôt attentionné ». Quentin décide alors de raconter son histoire sur le réseau social. Ce n’est pas réfléchi, mais il est «terrorisé». « Ce message m’a rendu dingue. C’est incroyable de faire passer ce qu’il avait fait pour de l’amour. »

Quentin avait alors 24 ans, étudiant à l’École supérieure d’art dramatique de la ville de Paris. Un comédien renommé l’épaule dans un projet. C’est alors une fierté. «Comment un artiste de son rang peut-il s’intéresser à moi qui ne suis qu’un élève ?» écrit-il. L’homme de 15 ans son aîné lui propose de coucher avec lui pour rémunérer les heures passées à travailler à ses côtés. Quentin refuse. L’histoire ne s’arrête pas là. Le comédien ne cesse de lui envoyer des bouquets de fleurs à l’école.

Une histoire comme tant d’autres en ont vécu. Le mouvement #MeToo a gagné le théâtre notamment avec la mise en examen du dramaturge et écrivain Pierre Notte pour viol de l’un de ses anciens élèves. La libération de la parole entache aussi le festival de Cannes qui a démarré ce mardi 14 mai.

Un « malaise » de 20 ans

Aujourd’hui, du haut de ses 48 ans, fort des critiques qui saluent son travail, Quentin hésite encore entre deux postures. Minimiser : « En soit ce n’était pas grave », « ça ne m’a pas toujours empêché de dormir »… ou affirmer les conséquences : le regard des autres élèves qui, à cause des fleurs envoyées, le soupçonnent d’avoir cédé, ses professeurs qui minorent, son couple d’alors qui ne résiste pas à l’épreuve ou cette sorte de « malaise » que Quentin traine depuis 20 ans…  « Pour dire les choses très concrètement, je me suis senti une petite pute. »

Depuis l’onde #MeToo est passée. « Ça ne passerait pas aujourd’hui » , assure-t-il. Pour Quentin, c’est le bon moment pour libérer la parole dans le théâtre : « ce n’est plus se mettre en danger dans le milieu » affirme-t-il. Et pourtant, des connaissances qui se voient proposer une fellation contre un rôle ne sont pas du même avis et refusent toujours de parler. Pour certains hommes, dénoncer les actes dont ils sont victimes signifie aussi dévoiler leur homosexualité au grand jour.

Le mouvement #MeToo Théâtre dénonce surtout les actes des directeurs de théâtre, des metteurs en scène, les hommes en position dominante, comme souvent. Quentin non plus ne nomme pas le comédien qui l’a harcelé en raison de la prescription, de son isolement…

Aujourd’hui, c’est lui qui intervient au sein d’une école. Il réserve trois heures avec chaque classe pour discuter. « Mon premier conseil est d’en parler et de ne pas banaliser ». À son grand regret, son agresseur est intervenu une fois au sein de l’établissement. « Il a demandé que ce soient les plus beaux élèves qui jouent les scènes ».

Quentin prépare deux spectacles : Supernova (Texte : Aïda Asgharzadeh), en préparation depuis quatre ans, raconte le harcèlement dans le milieu du cinéma et sortira l’an prochain et Martin va bien qu’il a écrit, sur le harcèlement scolaire vécu par les homosexuels.

Jean-Baptiste Mouttet


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