ENVIRONNEMENT
Planter un milliard d’arbres : une solution controversée
Le projet est ambitieux : renouveler 10% de la forêt française d’ici à 2032. Les organisations de défense de l’environnement dénoncent une méthode inappropriée.
L’objectif sonne comme un slogan. À la suite des terribles incendies de l’été 2022 et les 72 000 hectares de forêts partis en fumée, Emmanuel Macron revoit les objectifs à la hausse en octobre et annonce vouloir planter un milliard d’arbres en dix ans et ainsi renouveler 10% de la forêt française. En janvier de cette année, seulement 58 millions d’arbres ont vu le jour grâce aux financements publics.
Ce renouvellement consiste à « reconstituer les forêts sinistrées », adapter «les peuplements identifiés comme vulnérables aux futures conditions climatiques» et «améliorer les peuplements forestiers pauvres» pour qu’ils captent plus de CO₂.
Le projet incite les propriétaires forestiers privés comme publics à renouveler leurs surfaces arborées. 150 millions d’euros leur sont consacrés en 2023, et le financement devrait atteindre 250 millions d’euros en 2024. Cet objectif de 10% vient du rapport « Objectif forêt », du Conseil supérieur de la forêt et du bois (CSFB) paru en juillet 2023.
Ce rapport rappelle que les forêts « sont une solution au changement climatique avec leur fonction de pompe à carbone ». Or, la forêt française est en mauvaise santé, la mortalité des arbres a augmenté de 80% ces dix dernières années selon l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) comme nous l’avons vu lors de l’enquête sur scène « Écolos cherchent forêts à acheter ». Selon le rapport, au minimum 15% de la forêt métropolitaine nécessiteraient « une action volontaire dans les dix prochaines années ».
Ce renouvellement des forêts passe par des coupes rases, c’est-à-dire l’abattage de tous les arbres sur une surface donnée, « quand le peuplement en place est trop atteint », avant de reboiser. De quoi créer de vives oppositions.
Arrêter les coupes rases
« La priorité est de ne pas raser les forêts », souligne Sylvain Angerand, coordinateur des campagnes pour l’association Canopée qui défend la protection des forêts. « Tout dépend de comment on définit une forêt pauvre et en mauvaise santé », ajoute t-il. Pour l’association, les forêts qualifiées de « pauvres » peuvent se régénérer par elles-mêmes. Les arbres des vieilles forêts possèdent « un riche patrimoine génétique et développent une plus forte résilience aux changements », nous expliquait Élodie Magnanou, ingénieure de recherche au CNRS.
Ce n’est pas la première fois que Canopée alerte sur les méthodes gouvernementales. En mars 2022, elle démontrait dans une étude que le plan France Relance permet des plantations en monoculture, plus fragiles, « dans 83% des cas »
Depuis, les propriétaires sont obligés de diversifier les plantations. C’est toujours insuffisant pour Canopée : « planter deux essences différentes de pins n’a ni queue ni tête », lâche Sylvain Angerand. Plus que la diversité, « c’est la complémentarité » entre les espèces qu’il faut rechercher.
Pour les organisations de protection de l’environnement, il y a bien entendu une urgence à agir mais à partir des forêts existantes et en privilégiant un soutien à une sylviculture raisonnée.
Jean-Baptiste Mouttet