Réforme des retraites

La sage-femme Edith Rain a «encore envie» de se battre

Edith Rain raconte la souffrance au travail à l’hôpital, dans un contexte de réforme des retraites.

19 Jan 2023
Edith Rain. Crédit : DR
Edith Rain. Crédit : DR

La crise de l’hôpital, Edith Rain la vit dans sa chair, au quotidien. «J’ai dû m’arrêter un mois cette année à cause d’une tendinite à l’épaule», raconte cette femme de 52 ans. Son corps l’a lâchée comme ceux de ses collègues «épuisées» de l’hôpital Delafontaine de Saint-Denis. Ce 19 janvier, elle sera de la mobilisation contre la réforme de la retraite.

Cet hôpital devenu sa «seconde maison» depuis 35 ans, elle l’a vu «s’effondrer comme un château de cartes». «J’en ai pleuré de ne pas pouvoir aller travailler», continue Edith, décrite par ses collègues comme la «maman» des autres sages-femmes. 

Pourtant, les conditions de travail sont épouvantables, avec seulement 50 à 60 sages-femmes actuellement, au lieu des 90 nécessaires pour faire tourner la maternité «normalement». Le résultat de ce sous-effectif : «une grande souffrance», pour les patientes comme pour le personnel, assure Edith.  

«On va au boulot la peur au ventre, on a peur de l’accident grave par défaut de surveillance». La maternité a explosé depuis 1996, quand Edith a commencé à y travailler : elle est passée de 1.600 à 4.800 accouchements par an. «On ne fait que courir, à la fin de la journée, on n’est pas contentes de nous», déplore-t-elle. Des patientes «accouchent toutes seules, car on ne peut pas être à deux endroits en même temps, alors que notre métier, c’est de les accompagner».

Une situation d’autant plus frustrante dans cet hôpital de Seine-Saint-Denis au public précaire, qui accueille beaucoup de femmes migrantes ou issues de l’immigration. Ce public, qu’elle se fait un devoir d’épauler, a de «gros problèmes sociaux» et de santé : la moitié des patientes de la maternité sont diabétiques, note-t-elle. Par manque de soins, «certaines arrivent avec un bébé décédé dans le ventre». 

«Celles qui sortent de l’école ne veulent plus venir à l’hôpital»

La dégradation du système de santé, dénonce-t-elle, avait commencé avant la pandémie de Covid. Cette militante, élue du syndicat Sud cette année, avait déjà manifesté en 2019, dégoûtée que «l’hôpital devienne une entreprise, à l’encontre de l’objectif des soignants».  Finalement, la pandémie, une «période difficile et stressante», a aussi été «un moment avec une grande solidarité entre soignants». Mais après 2020, les choses empirent, si bien que les sages-femmes entament une grève soutenue par les médecins, entre septembre 2021 et janvier 2022.  

Une lutte fructueuse : elles obtiennent la fermeture de 20 lits pour alléger la charge de travail et «pas mal de primes». Malgré tout, «c’est triste, ça ne suffit pas à renflouer les effectifs». À Delafontaine, depuis septembre, 15 nouvelles sages-femmes sont parties, pour d’autres régions, pour exercer en libéral ou même pour devenir agricultrices… «Celles qui sortent de l’école ne veulent plus venir à l’hôpital». Edith, qui se dépeint comme la «rebelle» d’une «famille bourgeoise parisienne», est aujourd’hui mère de trois enfants, «tous militants», comme elle, notamment pour les droits des migrants.

Elle ne pense pas que ses collègues suivraient une nouvelle grève, «quelque chose s’est cassé, il y a une grande lassitude», observe-t-elle. Mais elle l’assure, elle a encore «la niaque» : «je veux croire que ma maternité peut redevenir ce qu’elle était». 

La rédaction


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