Asile

Lamine, rescapé de la Méditerranée et des défaillances de l’État français

Lamine, mécanicien, raconte les routes migratoires jusqu’à la France, où il a obtenu l’asile.

16 Fév 2023
Lamine. Crédit : DR
Lamine. Crédit : DR

«Nous relevons de graves dysfonctionnements dès les premiers contacts des mineur·es isolé·es avec le dispositif de protection de l’enfance», alerte le rapport «Mettre fin aux violations des droits des mineur.es isolé.es» publié en janvier par différentes organisations, dont la Cimade, l’Unicef ou Médecins du Monde. Ce non-respect des droits et ces mauvais traitements font chuter les chances d’intégration. Lamine* nous l’a raconté. Après avoir frôlé plusieurs fois la mort, ce mineur n’a pas été protégé comme il l’aurait dû, même s’il s’estime «chanceux». 

«Quand je suis parti de Côte d’Ivoire à 16 ans, ce n’était pas un choix, c’était pour vivre mieux», insiste-t-il, aujourd’hui installé à Marseille. Malgré la peur et les mises en garde, à l’été 2018, il part pour l’Europe avec un ami : d’abord en car pour le Burkina Faso, puis le Niger, où «le périple» prend un virage inquiétant : la traversée du désert, avec seulement «un kilo de semoule, un kilo de sucre et un peu d’eau». «Beaucoup se perdaient dans le désert, d’autres mouraient. J’ai réussi à tenir avec une gorgée d’eau le matin et une le soir», raconte-t-il. 

En Libye, «on a vu des gens se faire tirer dessus, des potes ont été vendus comme esclaves, mais nous, on s’est cachés et on a été épargnés». Le jour où enfin, il entame sa traversée de la Méditerranée, le jeune homme voit bien que l’embarcation de fortune est «trop petite», le moteur «en mauvais état», «mais je préférais mourir en mer qu’en Libye»

Dès qu’il s’éloigne du rivage,«l’eau monte dans le bateau», qui contient 136 passagers au lieu des 30 recommandés. «On s’est tous déshabillés pour évacuer l’eau à l’aide de nos habits (…) Des gens n’y croyaient plus». Mais le pire n’est pas encore arrivé : dans les eaux tunisiennes, les migrants se font dépouiller par des pirates, qui leur volent le moteur du bateau. «Après ça, seulement les vagues nous faisaient avancer». Le jeune Ivoirien et les autres sont sauvés quelques heures plus tard par l’ONG SOS Méditerranée, alertée par un hélicoptère de leur détresse.

Sans soutien, il trouve refuge dans un squat

Débarqué à Padoue en Italie, Lamine veut gagner la France : «je me disais que ce serait plus facile dans un pays dont je parle la langue». Il arrive d’abord à Marseille, où il vit dans la rue, puis à Nîmes, où il se fait enregistrer comme «mineur isolé», ce qui lui vaut d’être renvoyé à Marseille, où la «clé de répartition» nationale, un dispositif prévu pour équilibrer cette charge entre départements, l’a affecté.

Même si la loi impose aux départements de prendre en charge les mineurs isolés, beaucoup se retrouvent sans-abris, comme Lamine, que personne n’attend à Marseille. Il trouve refuge au squat Saint-Just, un ancien bâtiment diocésain dans lequel des associations ont accueilli, pendant plus d’un an, jusqu’à 350 migrants en même temps. 

La médiatisation du squat et la pression sur les services dédiés ont des conséquences : en deux mois, la situation de Lamine est régularisée et il est pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance. «Tout de suite, j’ai trouvé un apprentissage, j’ai enfin pris mon indépendance», s’enorgueillit-il. Aujourd’hui, Lamine travaille comme mécanicien automobile dans un garage, et s’apprête à quitter son foyer de jeunes travailleurs pour un appartement en plein centre de Marseille, où il va emménager avec sa femme et sa petite fille de 4 mois. «Aujourd’hui, je suis comblé», conclut-il, «Dieu n’a pas voulu que je meure en mer et je me suis battu pour réussir après ça». 

*Lamine n’a pas souhaité donner son nom de famille

La rédaction


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