Trafic de drogue

Entre quatre murs : quelle réponse de la justice ?

Les jeunes, embauchés par les réseaux de drogue défilent aux comparutions immédiates à Marseille.

Publié le 24 Nov 2023

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Dernière mise à jour le  24 Nov 2023  à  18h47.

le magistrat Vincent Clergerie estime que la moitié des comparutions immédiates sont occupées par des dossiers "stup". Crédit Anthony Micallef
le magistrat Vincent Clergerie estime que la moitié des comparutions immédiates sont occupées par des dossiers "stup". Crédit Anthony Micallef

Entre le stade de la petite annonce pour un job, l’arrivée à Marseille sur un point de deal, et les bancs du tribunal, il ne s’écoule parfois que quelques jours.

L’ancienne procureure de Marseille, Dominique Laurens, qui a quitté cette fonction depuis notre enquête, relevait une statistique : «  À Marseille, 18% des condamnations du tribunal sont liées au trafic de stups, là où à Lyon, c’est 9% ».

Après une arrestation, le parcours des « djobeurs » est assez balisé : garde à vue, défèrement devant un procureur, attente au dépôt du tribunal et montée en salle d’audience, sous escorte policière pour un passage en comparution immédiate. Ce type d’audience a lieu tous les jours à Marseille, matin et après-midi. Elles permettent d’apporter une réponse pénale rapide à des faits simples, immédiatement après la garde à vue.

Le droit français permet de refuser d’être jugé en comparution immédiate et de demander un délai pour préparer sa défense. Dans ce cas, le tribunal est contraint d’accepter, mais en fixant une date ultérieure pour le procès. Il doit aussi se prononcer sur ce que l’on appelle la « garantie de représentation » du prévenu ( la personne jugée). Cela signifie que la justice s’assure de la présence de l’individu à la date fixée. 

Or, ces jeunes sont rarement en mesure d’apporter les preuves d’un logement, d’un travail, d’un parcours scolaire, de parents qui garantissent leur présence, et ils courent le risque que le tribunal les place en détention provisoire durant ce laps de temps, afin d’être certain qu’ils n’auront pas pris le large. Ajouté au fait qu’ils souhaitent souvent en finir le plus rapidement possible avec cette séquence judiciaire, la plupart acceptent la procédure, assisté d’un avocat « commis d’office ». 

Ce sont des avocats pénalistes qui ont accepté de s’inscrire à des permanences de 24 heures, durant lesquelles ils peuvent être à tout moment appelés pour assurer la défense d’un client. Ils découvrent donc ce dernier, l’affaire et les éléments du dossier dans un laps de temps très court avant l’audience.

La prison pour être protégé des clans

Vincent Clergerie, interrogé sur scène le 9 novembre, a présidé une chambre dédiée aux comparutions immédiates durant 2 ans au tribunal judiciaire de Marseille. Il estime qu’environ la moitié de ses audiences étaient occupées par des dossiers « stup » de ce type, avec dans le box, de jeunes prévenus à peine majeurs. 

Son ancien métier d’avocat, qu’il a exercé durant 18 ans avant de basculer dans la magistrature, l’incite sans doute à assortir de pédagogie sa réponse répressive. Régulièrement, à l’issue des débats, il leur conseille de rentrer chez eux au plus vite, quitte à sauter dans le premier train qui les éloignerait du réseau sans avoir récupéré leurs papiers ou leurs affaires dans la cité. S’il s’agit d’un premier passage devant la justice, les jeunes écopent prioritairement d’une peine avec sursis, mais en cas de récidive, c’est de la prison ferme.

Entre quatre murs, « c’est toujours mieux qu’entre quatre planches », note le magistrat, qui ne manque pas de rappeler à ces jeunes recrues que les menaces de dettes réelles ou fabriquées par le réseau ne manqueront pas de tomber, avec les représailles qui vont de pair. 

Chloé Triomphe


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