Résistance et mémoire
L’intégrale : À la poursuite du maquis des «Imprudents»
Une enquête ne se termine pas. Les révélations se poursuivent. Avec «Les Imprudents» (2019), Olivier Bertrand part sur les traces d’un résistant inconnu et d’un maquis. À la publication du livre, tout un village découvre son histoire, et des gardiens d’une mémoire idéalisée protestent.
Le 3 mars 1944 au matin, tous les habitants d’un hameau ardéchois sont fusillés parce qu’ils ont caché des résistants. Quinze personnes vivent dans cet hameau, mais 16 corps sont retrouvés. Cet inconnu a été enterré avec les autres, avant qu’une chape de silence ne se pose sur cette histoire et ce garçon.
Près de soixante-quinze ans après, le journaliste Olivier Bertrand se lance dans une sorte de road-trip historique, collecte dans les villages témoignages et documents, photos et dessins de l’époque, pour essayer de retrouver l’identité de l’inconnu. Sur scène, il raconte l’histoire de ce maquis singulier, itinérant, voyant, téméraire et imprudent. Un maquis à la fin tragique. Il s’appelait Bir-Hakeim.
Du haut de ses 98 ans, face au public, l’ancien résistant Jean Brusson se remémore ces moments, sans fard, quand le maquis ressemblait à une colonie de vacances, où l’on «jouait au petit soldat dans un champ», aux instants plus tragiques, quand il a fallu cacher un blessé chez ses parents. Le récit de cette histoire particulière dans le livre, «Les Imprudents » (Seuil) provoque une forte émotion dans le village.
Un accueil d’abord méfiant, puis le silence craque, les habitants se livrent, une cérémonie chargée d’émotion se tient pour rendre son nom à l’inconnu. Une nouvelle histoire débute. Les protagonistes déjà connus mêlent leurs voix à de nouveaux personnages.
Dans les librairies où Olivier Bertrand présente son livre, des lecteurs lui dévoilent des secrets, des universitaires lui apportent des détails, on lui donne des photos, des documents. Carmen, la serveuse, comme elle est décrite dans le livre, devient alors Carmen la résistante. Mais «Les Imprudents » vient aussi heurter une vision idéalisée de la Résistance.
En fouillant ses zones grises, il provoque colère et parfois violence des gardiens d’une mémoire qui voulaient recoudre le roman national. Cette enquête sur scène nous interroge sur notre accueil des révélations, de notre réception de ce que nous ne savons pas ou ne voulons pas savoir.
Chaque second mercredi du mois, vous pouvez vivre en direct cette expérience de journalisme vivant depuis Marseille. Les représentations sont à chaque fois filmées pour vous faire vivre l’actualité autrement.