Inégalités dans la santé

Ouardia Tighilt : « Je me suis oubliée »

Lorsque l’on est une femme, habitante dans un quartier populaire, l’accès aux soins est difficile. Une jeune retraitée raconte.

21 Sep 2023
Ouardia Tighilt: « Avec ma mutuelle pourrie, aller chez le dentiste, c’est trop cher. » Crédits:E.deCrécy/Mediavivant
Ouardia Tighilt: « Avec ma mutuelle pourrie, aller chez le dentiste, c’est trop cher. » Crédits:E.deCrécy/Mediavivant

Avez-vous déjà renoncé à des soins ? À cette question, Ouardia Tighilt ouvre la bouche et fait voir les trous béants à la place de ses molaires. « Avec ma mutuelle pourrie, aller chez le dentiste, c’est trop cher ».

À 64 ans, Ouardia est une jeune retraitée, mais son corps douloureux témoigne du manque de soin qu’elle a subi tout au long de sa vie. Née dans le bidonville de l’Estaque, dans les quartiers nord de Marseille, elle n’accède à un logement décent qu’à l’âge de 34 ans. 

Elle quitte l’école pour travailler à 16 ans. À l’usine dans sa jeunesse, ensuite les ménages. Et une fois la journée terminée, il faut s’occuper de ses trois enfants jusqu’à 23h.

Ouardia termine sa carrière comme cuisinière dans une crèche pendant une dizaine d’années. Après des contrats aidés, elle y signe le seul CDI de sa vie. Au cours de cette vie de travail précaire, prendre soin de sa propre santé n’a jamais été sa priorité. « Pour les enfants, je n’ai jamais compté, mais moi, je me suis oubliée » constate-t-elle.

Elle complète sa pension de 1000 euros en s’occupant d’une personne âgée de son voisinage.  « Je suis payée deux heures par jour, mais j’en fais beaucoup plus ». Un niveau de revenus qui l’oblige à tout compter. « À la pharmacie, ce qui n’est pas remboursé, je ne prends pas. Et si mes lunettes sont cassées, tant pis, je les garde. »

L’argent n’est pas la seule raison qui décourage Ouardia à l’heure de se faire soigner. Elle habite aujourd’hui dans le 15e arrondissement. Des quartiers désertés par les professionnels de santé. Le dernier gynécologue est parti à la retraite sans trouver de remplaçant. « Ça fait 6 ans que je n’y suis pas allée ».

Les délais d’attente pour consulter à l’hôpital sont de plusieurs mois, alors Ouardia se décourage. Et ce n’est pas mieux chez les professionnels de santé du centre ville, à une heure de transport. Sans compter que les prises de rendez-vous se font de plus en plus souvent par internet. Un frein supplémentaire pour Ouardia.

Margaïd Quioc


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