Service public

Ali Bouzana, postier désenchanté

Les dégradations de travail à la Poste affectent au quotidien Ali Bouzana, pourtant engagé dans ce métier de service public.

2 Mar 2023
Ali Bouzana. Crédits : DR
Ali Bouzana. Crédits : DR

Il aurait voulu assister à l’enquête sur scène sur la disparition de La Poste, le 8 février, mais il avait «OM», dit-il en riant. Car le 8 février, son club affrontait le PSG au Vélodrome. Ali Bouzana, 50 ans, allie franc-parler et accent marseillais. Il a raconté à Mediavivant sa trajectoire, de facteur motivé à employé désenchanté, en quelques années. Des années marquées par une transformation du groupe, qu’il accuse aujourd’hui de «perdre sa mission de service public».

Pourtant quand il devient facteur en 2003, Ali a toute confiance en l’avenir. Il est en «bout de course» avec l’Éducation nationale, qui n’a plus rien à lui proposer après plusieurs années d’«emploi jeune». Il a fait de tout, selon ses mots, «intérim, jardinage…» et aspire à un emploi plus stable. Son épouse, qui a rejoint la Poste quelques années plus tôt, l’encourage. Après deux ans de CDD, il est titularisé en 2005.

Ce qui lui plaît avant tout, dans le métier de facteur, c’est «la liberté». «Le matin au centre de tri il y avait un cadre, mais une fois dehors, c’est un autre monde», décrit-il. «Au quotidien, j’avais ma tournée que je connaissais par coeur, je savais qui était chez lui quel jour pour les recommandés, quelle personne âgée voulait qu’on lui amène directement le courrier à sa porte, etc», raconte-t-il. Pour certains, glisse-t-il, «le facteur, c’est la seule personne qu’ils voyaient dans leur journée».

Quand la fierté d’être facteur disparaît

Quand un courrier était «mal adressé», «on ne le renvoyait pas à tout va, on le “redressait” comme on disait, c’est-à-dire qu’on le remettait à la bonne adresse, en disant aux usagers de bien faire corriger l’adresse pour la prochaine fois». Résultat: «les usagers étaient contents du service pour lequel ils payaient». Plus important encore: «ils avaient un référent, leur facteur, à qui s’adresser quand ils avaient un problème».

La charge de travail était alors «aléatoire», avec plus de courrier en fin de semaine: «je dépassais mon temps imparti, mais j’aimais mon travail alors ça ne faisait rien, je n’allais pas déclarer des heures sup».

Mais au fur et à mesure des réorganisations du groupe, «les moments de convivialité» qui font le sel du métier, disparaissent. La «baisse de trafic» constatée par la Poste, c’est-à-dire la diminution du nombre de courriers à distribuer, justifie une baisse du nombre de facteurs. «On s’est mis à travailler à flux tendu, avec une réorganisation des tournées en permanence, le recours de plus en plus fréquent à des renforts», déplore M. Bouzana, qui constate «un absentéisme grandissant, un taux de réclamation exponentiel des clients».

Militant à la CGT, un temps élu du personnel, il est affecté à la préparation des colis, un secteur «en croissance» contrairement au courrier. Mais là aussi, juge-t-il, «on a le même effectif qu’en 2010 malgré l’accroissement de l’activité». La Poste, c’est toujours une affaire de famille chez les Bouzana : outre son épouse, Ali compte aussi un beau-frère et une belle-sœur dans le groupe. Mais tandis qu’avant, lâche-t-il, il avait «du plaisir à rencontrer les usagers, une fierté», «ce n’est plus le cas aujourd’hui».

La rédaction


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