Habitat indigne

Malika : « Je mettais du scotch pour boucher les trous dans le mur »

Son logement n’est plus décent depuis deux ans. Malika raconte la bataille pour être relogée.

27 Sep 2023
Malika a signalé son habitat indécent et se bat pour être relogée. Marseille, septembre 2023. Crédit : E. de Crecy
Malika a signalé son habitat indécent et se bat pour être relogée. Marseille, septembre 2023. Crédit : E. de Crecy

« Il y a de l’eau partout chez moi », nous alerte Malika, fin septembre, après une nuit de pluie à Marseille. Les dégâts la forcent à aller dormir chez sa sœur quelque temps. Ces derniers mois, elle filme chaque jour quand son appartement est inondé : au pire moment, elle marche dans l’eau et doit écoper avec un seau en plastique. À 58 ans, après vingt ans passés en France, elle rêvait à mieux. Les bas des murs de son appartement de 22 m2, où elle vit seule, sont attaqués par l’humidité, jusqu’à la porte d’entrée en bois. Des traces de moisissures, noires et jaunes, subsistent malgré un nettoyage.

Cela fait deux ans que la situation s’aggrave dans son appartement géré par 13 Habitat*, le principal bailleur social public des Bouches-du-Rhône, dans le deuxième arrondissement de Marseille. Avec sa pension d’invalidité d’environ 850 euros, cette ancienne femme de ménage ne sait plus comment faire pour être relogée. Ici, elle paye 135 euros de loyer grâce aux aides. Dans son logement au dernier étage, faute de travaux suffisants, l’eau s’infiltre du toit, sort dans un conduit au milieu de la pièce principale, sous les plinthes et remonte jusqu’au niveau des prises électriques : « J’ai peur. C’est dangereux », s’emporte la femme de 58 ans. Sur ses murs, elle a mis du gros ruban adhésif gris, comme un pansement vain « contre le froid et les insectes ». Elle appréhende l’hiver. L’an dernier déjà, « je mettais du scotch pour boucher les trous dans le mur », explique-t-elle.

État de stress et d’angoisse sévères

Malika n’est pas du genre à se laisser abattre, mais elle commence à flancher. Sa demande de relogement n’a pu être prise en compte pour le moment. Toute la paperasse à faire et à refaire est une charge difficile à supporter. Pour elle, qui apprend à mieux parler français grâce au centre social du quartier, il faut redoubler d’effort pour comprendre tous les rouages administratifs.  Son médecin s’inquiète de « son état de stress et d’angoisse sévères, associés à des troubles du sommeil » dans un certificat du 21 juin 2023. « Un relogement dans les plus brefs délais semble nécessaire », conclut-il.

À cause de l’humidité de son logement, ses douleurs articulaires s’aggravent. Après des années de ménage, son genou est déjà « périmé » comme elle dit.  « J’en ai marre, c’est fatigant », nous souffle-t-elle avant de craquer, pudiquement, assise sur son lit simple. Tout autour, ses affaires sont placées dans des sacs en plastique, en hauteur. Contacté, 13 Habitat ne nous a pas répondu dans le délai imparti. A Marseille, il y aurait 40 000 logements potentiellement indignes selon un rapport de 2016. L’an dernier, Malika a fini par faire un signalement d’habitat indécent. Elle a même écrit au maire de la ville Benoît Payan. Elle attend toujours.

Daphné Gastaldi, journaliste à Mediavivant

Prolongements :

Après la publication, 13 Habitat a répondu à Mediavivant. Le bailleur se dit prêt à réaliser de nouveaux travaux pour les peintures et le placo. Des travaux jugés insuffisants par la locataire, qui expliquait avoir subi une nouvelle fuite d’eau. Leurs services ne disposent « pas dans l’immédiat d’un logement vacant correspondant aux critères de la locataire » et privilégient « la remise en parfait état d’habitabilité du logement actuel ».


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