Coupe du monde de rugby

Sofiane Faresse, un troisième ligne à l’ouverture

Il est dirigeant, entraîneur et joueur du Rugby Club Grigny, dans une des plus grandes cités d’Île-de-France. Pour Sofiane Faresse le ballon ovale est un outil d’action sociale essentiel.

13 Oct 2023
Sofiane Faresse souhaite "sauver" les jeunes par le rugby. Crédits: Mediavivant
Sofiane Faresse souhaite "sauver" les jeunes par le rugby. Crédits: Mediavivant

« Avec les gâteaux et les jus de Lidl, on était les plus heureux ! » Entraîneur des équipes féminines et responsable du Rugby Club Grigny (RCG), Sofiane Faresse assure qu’à la Grande Borne, une cité-ville de plus de 15 000 habitants construite à cheval sur les communes Grigny et Viry-Châtillon (91), la première motivation des jeunes pour rejoindre le RCG, aka « Les Pirates », reste encore « le goûter, leur troisième mi-temps », vingt ans après.

Ce jeune homme de 28 ans à la voix chaleureuse aime cultiver l’esprit rugby. Vendredi 6 octobre, à quelques heures du dernier match de poule de l’équipe de France dans sa coupe du monde, contre l’Italie, Sofiane Faresse a prévu une repas partagé devant la rencontre. Car plus qu’un sport, il envisage le rugby comme un moyen de casser l’image de sa ville, et de sa cité.

Un quartier défavorablement connu, comme on dit dans la police. Le 8 octobre 2016, deux policiers y ont été grièvement brûlés par une vingtaine de jeunes. Ces jeunes, Sofiane Faresse aimerait aussi les « sauver » des trafics, des mauvaises fréquentations.

Le jeune dirigeant parle en connaissance de cause. « J’étais un enfant compliqué, j’aurais pu faire des conneries ou finir en prison comme certains amis, raconte le « Pirate ». Mon premier éducateur, Pierre Lecomte, m’a inculqué des valeurs – l’entraide, la solidarité -, il m’a canalisé. Le rugby ça a été ma deuxième chance, ça m’a sauvé. »

Initié à l’école, à l’âge de 9 ans, le dirigeant du RCG a toute de suite « accroché » : « J’ai aimé l’ambiance, les aventures humaines, les combats ensemble, la bienveillance ». Et de plaquer : « Au foot, c’était beaucoup plus cher et on avait l’impression qu’ils en avaient qu’à nos sous ».

Agent d’entretien dans une piscine, le dirigeant du RCG a passé les diplômes pour devenir éducateur sportif ; le club compte aujourd’hui 180 licenciés, des sections de 6 ans aux seniors, dont deux équipes féminines. « Elles sont championnes d’Île-de-France en rugby à 10, et deux sont désormais en sport-études et jouent en élite », se félicite leur entraîneur. Lui-même continue de chausser les crampons avec les plus de 18 ans, au poste de 3e ligne centre, « un poste où il faut plaquer ».

Nouveau bateau de « Pirates »

Pour toucher son objectif, il a en effet fallu de l’engagement à Sofiane Faresse. Comme certaines victoires, l’histoire a mis du temps à se dessiner. Au début des années 2000, le club a dû mettre la clé sous la porte. Il faut même le drame d’octobre 2016 pour qu’il renaisse. « On sentait qu’il y avait un malaise dans le quartier, qu’il pouvait y avoir des débordements, se souvient Sofiane Faresse. À l’époque, les jeunes sont livrés à eux-mêmes, il n’y a plus que le foot sur le quartier. » Il décide alors de relancer le Rugby Club Grigny.

Ça tombe bien. Dans la foulée des « événements de 2016 », pour reprendre son expression, l’État lance un plan d’action pour le territoire, « Grigny 2022 », avec le soutien des collectivités locales, d’entreprises, d’associations.

Dans ce cadre, le Rugby Club Massy Essonne, reconnu pour sa formation des jeunes, dont plusieurs internationaux, est chargé d’implanter une école de rugby à Grigny. Rapidement, la greffe reprend. Le RCME s’engage et intervient dans les écoles et collèges de la ville, pendant que Sofiane Faresse recrute sur le quartier et passe donc ses diplômes pour devenir éducateur sportif. « Ça m’a donné envie de me battre », reconnaît le dirigeant.

Seul point noir pour l’éducateur, le manque d’enthousiasme de le fédération française à soutenir le rugby, sport bourgeois, dans les quartiers populaires. Si des internationaux –  Cameron Woki ou Sekou Macalou – sont pourtant originaires de ces territoires, les programmes pour y développer la pratique du ballon ovale manquent d’ambition. « Il y a des freins administratifs, comme pour l’accueil des jeunes extra-européens dans les clubs, mais surtout un manque d’intérêt de la fédération, insiste Sofiane Faresse. On est délaissé. »

Jean-François Poupelin


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