50 ans de féminisme

Margaux Mazellier : «Ces lieux font partie du patrimoine féministe de la ville»

Bientôt sur scène pour Mediavivant, la journaliste Margaux Mazellier raconte la reconquête de l’espace public par les femmes depuis 50 ans à Marseille. Mi-février, elle publiera l’ouvrage « Marseille trop puissante ».

Publié le 6 Fév 2024

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Dernière mise à jour le  7 Fév 2024  à  17h19.

La journaliste Margaux Mazellier a enquêté sur les militantes marseillaises qui ont repris leur place dans l'espace public. Marseille, 5 février 2023. Crédit : D. Gastaldi
La journaliste Margaux Mazellier a enquêté sur les militantes marseillaises qui ont repris leur place dans l'espace public. Marseille, 5 février 2023. Crédit : D. Gastaldi

Le 8 février, Margaux Mazellier sera sur scène à Mediavivant pour faire dialoguer des militantes, à l’intersection de plusieurs combats contre les inégalités, sur « 50 ans de féminisme dans la ville la plus rebelle de France ». La journaliste interroge la place des femmes dans les lieux publics. Spécialisée sur les questions de genre et de migrations, elle a travaillé pendant un an et demi sur ce projet. Son ouvrage « Marseille trop puissante » sort mi-février avec une série de portraits sur ces militantes à l’histoire méconnue. L’auteure met en lumière cette lutte contre les discriminations, pour inverser le rapport de force et mieux habiter la ville.

Par quels moyens la rue peut redevenir un lieu pour les femmes ?

Margaux Mazellier : Récemment, on a l’exemple des collages qui ont ramené la question des féminicides ou des violences conjugales dans l’espace public. Ce n’est pas rien. C’est ça aussi reprendre la rue. C’est de dire à ces femmes qui parlent ou qui commencent à parler « je te crois ». D’autant plus dans un espace public dans lequel les femmes sont harcelées quotidiennement, qui est construit de telle façon que les femmes ne se sentent pas à leur place, qu’elles ne s’y sentent pas toujours légitimes. Cela permet de porter leur voix sur les murs. Je pense aussi au Drama Queer Football Club qui a féminisé les city stades, avec ces groupes de femmes cisgenres, personnes trans et non binaires qui arrivent dans la ville sur des terrains occupés exclusivement par des hommes ou presque. 

Vous avez découvert aussi l’histoire des Ladies Pirates que l’on va voir lors de votre enquête sur scène avec Mediavivant…

C’est un groupe de militantes anonymes qui ont décidé d’aller coller des noms de femmes sur les noms de rue comme Rosa Luxembourg ou Clara Zetkin,  dans la nuit du 7 au 8 mars 1996 [la journée internationale des droits des femmes, ndlr]. J’ai découvert leur histoire dans la revue « Femme info Marseille », publiée par le Centre d’orientation, de documentation et d’information des femmes. Plus tard, le collectif 2% a fait la même chose, juste après le mouvement #Metoo. Il y a une continuité. Je pense aussi à la place Louise Michel à Marseille, qui a été inaugurée en 2018 avec une pièce de théâtre «Elles disent… !», jouée par des habitantes de Belsunce.

Lors de votre représentation, vous reviendrez sur « Le complot des Cagoles », aussi détaillé dans votre ouvrage « Marseille trop puissante ». En quoi cette émission féministe non mixte a marqué les esprits ?

C’était au début des années 2000 sur Radio Galère. L’émission  « Le complot des cagoles » a permis de porter des sujets très peu abordés à ce moment-là. Leur première émission était « Dans la rue ». Elle a bousculé beaucoup de femmes et d’hommes sur des sujets comme le harcèlement de rue, le droit à l’avortement, l’homosexualité ou le plaisir. Reprendre l’espace public, c’est reprendre l’espace médiatique aussi. C’est expliquer ce que ça veut dire de déambuler dans l’espace public.

Qu’est-ce que cette enquête a bousculé chez vous ? 

J’ai été surprise de constater les ruptures générationnelles mais qu’au sein des communautés, au sein des luttes, il y a un fil rouge, un continuum. Il ne faut pas tomber dans le cliché qu’il n’y a aucune connaissance. J’ai été touchée aussi, rassurée qu’on s’inscrive dans une histoire qui ne s’arrête jamais et dont on doit faire un travail de transmission. J’ai aussi été surprise par la vitesse avec laquelle les lieux de mémoire disparaissent comme La librairie des femmes qui est devenue L’Odeur du temps. Je ne savais pas que cela avait été un lieu aussi important pour les femmes où elles lisaient des textes politiques et féministes fondateurs. Je pense aussi au premier lieu LGBT non mixte, le bar lesbien la Douce-amère à Marseille. Ces lieux font partie du patrimoine féministe de la ville et c’est important de se rappeler à quel point ça a compté.

Propos recueillis par Daphné Gastaldi


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